Après plus de 70 épisodes à réinventer les lois de la série "mindfuck", Rick & Morty reviennent pour une saison 8 toujours plus barrée. Mais comment continuer à surprendre quand on a déjà tout explosé ? Dan Harmon et son équipe dévoilent à Première les secrets d’une série qui carbure au chaos contrôlé.
"C'est l'une de mes saisons préférées. L'une des plus réussies, je crois ! C'est assez fou qu'après toutes ces années, on soit encore autant surpris lorsqu'on ouvre un script. Je ne sais pas comment font les auteurs pour arriver à ça..." Sarah Chalke double Beth depuis 12 ans. Et elle sera encore l’empêcheuse de tourner en rond dans la saison 8 de Rick & Morty, qui vient tout juste de débuter (sur Max en France). Un nouveau chapitre toujours plus barré, mais un peu moins introspectif que le précédent, comme nous le confirme le showrunner Scott Marder : "On n’ignore pas les éléments centraux qui nourrissent la série sur le long terme. Mais cette année est certainement plus orientée sur le fun. La saison 7 a été très intense à mon avis, et la saison 8 fait l'effet d'une grande respiration."
Après 70 épisodes d’absurde intergalactique, de chaos métaphysique, de clones et de cornichons tueurs, continuer à surprendre relève de l’exploit. Comment renouveler l’inattendu ? "Dan Harmon aime bien faire comme si la télé était cassée... C’est-à-dire qu’on peut proposer n’importe quelle idée, même la plus dingue, et ça peut se transformer en épisode", tente d'expliquer Marder. Pas de règles, pas de cases : la série ne cesse de se redéfinir, flirtant en permanence avec ses propres limites.
"On est actuellement en train de préparer la saison 10, et tout s’écrit encore très facilement, tout vient naturellement, sans forcer. Il y a la même fluidité qu’il y a plusieurs saisons, et ça, c’est cool."
Dan Harmon, l'iconique créateur qui avait déjà fait fort avec Community dans les années 2010, va plus loin en expliquant avoir cherché depuis le départ à torpiller les tropismes de la télé US, sans jamais avoir peur du ridicule : "Nous, on a décidé d'en faire trop dès le départ ! Et cela fait désormais partie de l'ADN du show." Résultat ? Pas de suspense artificiel, pas de grande révélation gardée sous le coude pendant de longues saisons.
"Est-ce que Eve va se faire tuer dans Killing Eve ? Est-ce qu'on va trouver qui a tué Laura Palmer ? Est-ce que Mulder va retrouver sa sœur dans X-Files ? Nous, on a choisi d'éviter ce processus-là. Dès les premières saisons, on a tout mis sur la table, sans se demander si un élément pouvait chambouler l'histoire. Cela nous aide à ne jamais être piégés par notre propre narration. Cela nous permet de rester toujours innovants."
Ce refus des carcans passe aussi par une production souple, mouvante, quasi organique, qui n’obéit à aucune feuille de route rigide. Pas de trame griffonnée sur un tableau noir ou de post-it accrochés sur un mur. "Nos scripts sont comme des œuvres d’argile", reprend Marder. "On peut les remodeler à l’envie, au fur et à mesure de la production. Un épisode peut être totalement différent à la sortie de ce qu’on avait imaginé au départ." Flexibilité totale. "On réécrit toujours des choses en fonction du courant, en fonction du moment." Un fonctionnement intense, qui impose intrinsèquement, en contrepartie, une surcharge de travail : "À chaque étape, on peut avoir des choses à reprendre. Mais ça vaut le coup de bosser comme ça."
Mais alors d'où viennent toutes ces idées ? Cassant le mythe du génie solitaire qui invente à profusion, Dan Harmon n'a pas un petit carnet secret bourré de concepts révolutionnaires au fond de sa poche, qu'il emmène partout avec lui : "Le mieux, je crois, c'est de faire fuser des idées avec les auteurs en réunion. Parce qu’aujourd’hui, avec Reddit et les réseaux, le public est de plus en plus difficile à impressionner." Alors plutôt que de chercher LA bonne idée qui va faire exploser Internet, l’équipe privilégie l’émulsion collective.
"Si vous pensez pouvoir épater tout le monde avec une idée complètement folle et jamais vue, vous vous trompez ! Un Jour sans fin à la sauce Star Wars ? Quelqu’un y a déjà pensé ! Il y a même des gens qui ont écrit des fanfictions dessus. Alors arriver avec une idée brillante toute faite dans sa poche, c’est, selon moi, la meilleure façon de se planter. Il vaut mieux échanger, discuter, confronter les idées avec les autres auteurs pour faire naître cette étincelle qui dépasse la simple bonne idée. Il faut quelque chose capable de créer une vraie énergie dans la writing room."
Exemple parfait de cette folie créative assumée : l’épisode à la Matrix qui ouvre la saison 8 aujourd'hui (sur Max). Un délire total, né d’un postulat aussi absurde que génial : Rick punit les enfants à sa manière... et finit par les oublier dans une simulation ! Classique. Mais le twist, c’est Summer, coincée si longtemps dans ce four numérique qu’elle en ressort mentalement transformée — avec l’esprit d’une adulte ayant vécu toute une vie parallèle. "Quelqu’un a lancé cette idée en salle, et on a brodé autour", confient les deux scénaristes principaux de Rick & Morty. "Il fallait absolument qu’on le fasse, mais honnêtement, on ne savait pas exactement où on allait..." C’est précisément cette liberté, ce lâcher-prise, qui a permis à l’épisode de muter vers autre chose, allant jusqu'à explorer la guerre et ses traumatisme - via l'intrigue de Morty - un vieux fantasme d’animation réaliste que la team gardait dans un coin de sa tête depuis un moment.
Si Dan Harmon peut se permettre d'appréhender la suite de sa série animée avec cette insouciance libératrice, c'est aussi parce qu'elle a été renouvelée à très long terme par Warner Bros. La saison 8 commence, la saison 9 est déjà en cours de production, la saison 10 est en écriture, et les saisons 11 et 12 sont dans les starting-blocks. Le créateur n'a pas besoin de chercher le concept qui tue pour relancer l'intérêt ou les audiences. Et il avoue que ce n'est absolument pas ce qu'il cherche : "Je ne sais pas si j'arriverais à me renouveler encore et encore... Mais maintenant qu'on a bien exploré la mythologie de Rick, on peut aller plus loin ! On a raconté toutes les histoires qui définissent vraiment le personnage et son univers. Donc on peut aller au-delà de ces accomplissements et faire des choses moins centrées sur les grandes quêtes ou révélations, et plus sur ce qui arrive aux personnages." Même si cela doit aller à l'encontre des désirs de la fanbase et des réseaux, qui prennent plus de plaisir à fantasmer les contours de la mythologie de Rick :
"Peut-être que c’est le début de la fin de la série pour certains, parce que je sais que le public n'est pas tellement dans le post-accomplissement. Mais pour moi, c’est là que je trouve une nouvelle énergie. Je préfère me demander ce que je ressens et je commence à explorer les sentiments des personnages sous cet angle. Ensuite, je mixe ça avec un pistolet à nichons et un rayon à diarrhée et hop... ça roule !"
La saison 8 de Rick & Morty en 10 épisodes continuera jusqu'au 27 juillet 2025 sur Max avec un épisode par semaine







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