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Tout part d’une phrase lancée par Vicky Krieps à Marie Kreutzer (sa réalisatrice de We used to be cool, inédit chez nous) « Et si tu faisais un film sur Sissi avec moi ? » Une main tendue dont la cinéaste s’est immédiatement emparée, y voyant l’opportunité de raconter ce passé qu’on croit connaître par cœur, au gré des rediffusions de la saga avec Romy Schneider, pour signer une œuvre qui s’inscrit pleinement dans notre époque, tant certains diktats imposés aux femmes n’ont au fond guère évolué en 150 ans. Oubliée la jeune monarque obéissante des films de Marischka, l’impératrice Elisabeth est ici saisie au tournant de la quarantaine, au moment où le travail de représentation auquel elle est astreinte devient un carcan insoutenable. Son âge, son poids surveillé comme le lait sur le feu la font plonger dans la névrose, obsédée par le contrôle de son corps que lui imposent les mœurs patriarcales dominantes. Aux antipodes d’un film d’époque étouffant sous les dorures, en jouant avec subtilité avec les anachronismes (à l’image du travail de création sonore, primé à Cannes, entourant la superbe BO de Camille), Corsage épouse les velléités de liberté de son héroïne insurgée en envoyant valser les conventions attendues du biopic. En revisitant sa vie, la cinéaste lui offre l’opportunité de goûter à titre posthume ce qui lui était interdit, sans que rien ne paraisse factice, avec une finesse qui doit énormément à Vicky Krieps, capable en un regard, en une moue, en un geste de dire plus et mieux que mille lignes de dialogue. Son intériorité explosive constitue un chef d’œuvre d’interprétation.