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Shoah de Claude Lanzmann, sorti dans les salles françaises en avril 1985, a donc quarante ans. Œuvre-monstre par sa durée (9 heures 30), œuvre-monde par sa portée universelle. Ce film témoigne de l’extermination des juifs d’Europe par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale sans avoir recours à l’archive. En quarante ans, le très long-métrage aurait pu lui-même devenir archive s’il n’avait pas inventé son propre espace-temps devenant un bloc impossible à morceler sous peine d’être avalé par l’édifice. C’est à partir du néant que s’est élaboré Shoah. Les traces du mal avaient disparu. Il a fallu les révéler. Des visages, des paysages, des paroles, et le mouvement d’une caméra qui capture une forme d’éternité. Un vide a été comblé. « La question est de savoir ce que vous pouvez sauver avec votre film ! » dit un témoin. Le présent documentaire de Guillaume Ribot, fort et éclairant, rend compte de la dynamique intellectuelle, physique et cinématographique qui ont permis la réalisation ce grand œuvre… La place centrale qu’occupe ici Lanzmann, jusqu’au « Je » du titre, traduit la puissance d’un geste qui l’inclut tout entier. Il y a les yeux qui ont vu et ceux qui essaient de voir à travers eux. Tout n’est qu’archives. Elles forment un making-of assez sidérant. Pour preuves, ces séquences en caméra cachée où le cinéaste et ses équipes cherchent à tromper d’anciens bourreaux. Il y a aussi des étreintes, des mains posées l’une sur l’autre et… Claude Lanzmann au volant d’une voiture en route vers son but stoppé net par des stèles.
Je n'avais que le néant- Shoah par Lanzmann


