Première
par Thierry Chèze
Un pitch accrocheur, un premier quart d’heure irrésistible, des acteurs géniaux… et puis la machine qui se grippe et donne la sensation de tirer à la ligne. L’Accident de piano coche toutes les cases de l’ADN du cinéma de Dupieux. Mais un Dupieux assez emballant alors qu’il surgit à un moment où après avoir suscité pendant des années l’enthousiasme quasi unanime de la critique, des voix discordantes se sont fait entendre lors de son précédent film, Le Deuxième acte, présenté en ouverture de Cannes. Peu habitué, on l’avait senti agacé y compris contre Première qui, pourtant l’avait défendu mais en ayant sans doute commis le crime de lèse- majesté de ne pas l’avoir suffisamment encensé lui. Peut- être nous en voudra t’il encore donc de dire que L’Accident de piano est le meilleur des quatre films qu’il vient de consacrer à la question de la célébrité après Yannick, Daaaaaali ! et ce Deuxième acte. Et pourtant, on le pense. D’abord grâce à Adèle Exarchopoulos et sa composition démente du personnage central du film : une star d’Internet insensible à la douleur dont les vidéos spectaculaires font des millions de vue et qui se retrouve la cible d’un chantage après un accident sur un tournage. Déjà bien perchée dans Mandibules, elle explose ici tous les compteurs avec une aisance déconcertante. Quant à Dupieux, en ne sauvant quasiment aucun de ses personnages – au choix : égoïste, veule, débile… – il signe son film le plus ouvertement misanthrope. Une comédie cruelle à la Ruben Östlund qui fait un bras d’honneur à son époque mais sans jamais paraître réac’. Tout sauf simple.