-
Dès le magnifique plan inaugural, où l’on découvre Milla et Léo allongés dans un halo blafard, les yeux clos en un sommeil possiblement éternel, le couple parait condamné. Et ça ne manque pas : la jeune femme, économiquement très précaire, devra endurer le deuil de son compagnon, qui lui laisse un fils. Le film sonde son chemin de résilience par le biais de plans fixes, blocs de temps étirés, à l’affut de micro-évènements organiques, accidentels, « documentaires », le tout troué de déroutantes ellipses. C'est souvent fascinant de poésie minimaliste (la spontanéité des scènes avec l’enfant ; le souffle du vent sur les rideaux créant un pouls aléatoire), parfois aussi un peu forcé. La sècheresse spartiate des dialogues impose au spectateur une patience certaine, tandis que la structure en miroir du film, découpé en deux parties symétriques qui forment une boucle, concourt à un sentiment d'artificiel légèrement plaqué. Malgré cet ascétisme arty, se dégage du portrait dépouillé de cette laissée pour compte une vraie grâce contemplative, sans misérabilisme ni fidélité paresseuse aux conventions d’un cinéma dit « social ». Rires, bouffées oniriques et décharges musicales s’invitent pour dessiner un paysage mental singulier. Ainsi "Add it up", la mythique rengaine des Violent Femmes, fait office de contrechamp punk à la droiture dans l'adversité affichée par l'héroïne peroxydée, abandonnée à elle-même dans des lieux désolés, toute de frustration, d'ennui et de peine dignement rentrés.