Premiere.fr a rencontré deux spécialistes du travail de Steven Spielberg. Qu'ont-ils pensé des premières images de Tintin et le secret de la Licorne et que peut-on attendre de cette adaptation ?Tombée sur le net il y a une dizaine de jours, la bande annonce du Tintin de Spielberg semble avoir eu, comme la plupart des productions utilisant le procédé de la performance capture, un effet extrêmement polarisant sur les spectateurs.  D’un côté, ceux qui se pâment devant la beauté évocatrice des images et le dynamisme sidérant de ces 120 et quelques secondes de fun à l’état pur, de l’autre ceux qui continuent étrangement à pester devant la laideur graphique du projet, dégainant à tout va le fameux syndrome de l’Uncanny Valley pour mieux asseoir leurs craintes.  Pour mieux comprendre cette segmentation, nous avons convoqué deux spécialistes es Spielberg pour mieux nous éclairer à la lueur de ce trailer faramineux.Pour mieux comprendre leurs analyses, voici la bande-annonce de Tintin : Auteur d’une analyse passionnante de l’œuvre de Spielberg, parue aux éditions Rivages, et d’une étude film par film intitulée “Mythes Et Chaos - Le Cinéma de Steven Spielberg”, Jean Pierre Godard est pour l’instant assez dubitatif devant l'intérêt du projet : “Spielberg a choisi d’adapter deux albums (Le Secret De La Licorne et le Trésor de Rackham Le Rouge) qui à mon sens ne correspondent pas vraiment à son univers. Je l’imaginais s’emparer d’une aventure beaucoup plus ésotérique, comme les Sept Boules De Cristal, que fera in fine Peter (Jackson, ndlr). Je vous avoue que je reste perplexe devant ce choix. La bande-annonce en elle-même est très classique : montée sur un crescendo dramatique avec un simili Carmina Burana en bande son. Ça ne m’impressionne pas plus que ça. Le vrai problème cependant, reste le choix de représenter les personnages en volume. C’est clairement l’antithèse de la fameuse “ligne claire” propre à Hergé. Regardez le nez des Dupondt : tel que le montrait Hergé, c’était parfait, ça caractérisait les personnages en un coup de crayon; là avec le volume ça tire immanquablement vers le grotesque. Donc je dois avouer que pour avoir ma dose de spielbergisme, j’attendrai plus volontiers War Horse qui sortira dans la foulée. Ceci dit, on n’est bien sur jamais à l’abri d’une bonne surprise.”. Ancien critique ciné, notamment dans les pages de Mad Movies, Rafik Djoumi ne se fait pas prier pour montrer son enthousiasme: “Ca va être un film léger, rapide, fun et coloré. Le terrain sur lequel je l’attends plus c’est sur celui de la screwball-comedy, et de ce point de vue-là, la bande annonce laisse augurer du meilleur. Et pour ce qui est des scènes d’action, on sait déjà qu’elles seront dingues, vu le type aux commandes.” Djoumi poursuit: “Il faut savoir que Spielberg a envie de faire ce film depuis plus de 25 ans, mais il a longtemps été bloqué par l’idée de ne jamais pouvoir retranscrire au cinéma le grain et le trait si particulier d’Hergé. Un trait qui a quelque chose de tellement singulier que le meilleur chef op’ au monde ne pourra jamais le reformuler sur pellicule. La méthode de la performance capture permet pourtant de s’en approcher, sans avoir à passer par l’animation. Le génie de Spielberg c’est aussi d’avoir su attendre le bon moment et les bonnes technologies pour lancer son Tintin. Pour le moment les films qui utilisent le procédé performance capture (que ce soit Avatar, Beowulf ou Tintin) sont des films qu’il est strictement impossible de faire autrement, et qui se situent dans des univers graphiques délirants. Ce qui peut expliquer la sensation de rejet immédiat qu’elle procure chez  certains spectateurs.C’est une question d’habitude, j’imagine. Ça finira par venir. A ce sujet la dernière phrase de la bande annonce (« Il est trop tard pour reculer ») me semble clairement adressée à ceux qui resteraient sceptiques devant cette technologie…" Pour le verdict, ca sera le 26 octobre dans toutes les salles....Propos recueillis par François Grelet.