Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
BETTER MAN ★★★☆☆
De Michael Gracey
L’essentiel
Robbie Williams joue au singe dans un autobiopic autorisé parfois un peu épuisant mais très amusant.
Est-ce qu’une hagiographie filmée est moins pénible quand le héros est joué par un singe ? C’est la question que pose Better Man : le biopic de Robbie Williams, produit, écrit et supervisé par l’intéressé. L’histoire est déjà vue mille fois : un gamin prolo qui rêve d’être Sinatra pour plaire à son papa absent, la gloire précoce dans un boys band, la drogue et l’ambition, la gloire et la chute, la désintox… Le truc du film, c’est donc que la star a la gueule d’un singe très humanisé, conçu en performance capture avec la voix de Robbie. Un truc qui indique la distance prise entre le film et son sujet -et, au fond, la passion de Michael Gracey, qui a réalisé The Greatest Showman avec Hugh Jackman en Barnum, pour les arnaqueurs du show business. Pas de discours sur le vrai et le faux, sur la légende et la réalité, mais juste une autobiographie autorisée qui fonctionne, de la même façon que Rocketman fonctionnait. Surtout grâce au capital sympathie working class de la star et à ses tubes entonnés avec entrain.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
CHÂTEAU ROUGE ★★★☆☆
De Hélène Milano
Après Les Roses noires et Les Charbons ardents, Hélène Milano continue de raconter la jeunesse d’aujourd’hui avec ce nouveau documentaire où elle a suivi une classe de troisième d’un collège du quartier parisien populaire de la Goutte d’Or pendant une année décisive dans le choix des orientations. Elle-même scènes pris sur le vif, moments d’ateliers avec les élèves volontaires et témoignages – souvent très forts et extrêmement profonds sur leur vision de l’Ecole et de leur propre scolarité – de ces mêmes enfants face caméra. Toujours à bonne distance de ceux qu’elle filme (élèves, profs, parents…), elle donne à voir des choses très intimes sans se faire intrusive, ni détourner son regard quand la tension monte et raconte subtilement comment l’enthousiasme y côtoie en permanence un vrai désenchantement. Une grande réussite.
Thierry Cheze
JANE AUSTEN A GÂCHE MA VIE ★★★☆☆
De Laura Piani
Agathe rêve d’aimer et d’être aimée. Mais pas à n’importe quel prix. Libraire, elle rêve aussi d’écrire mais peine à se lancer. Mais voilà que cette inconditionnelle de Jane Austen, se retrouve sélectionnée – grâce à un collègue qui en pince pour elle – dans une résidence d’écrivains en Angleterre où elle se retrouve face à un lointain descendant… de l’autrice de Persuasion ! En quelques lignes, tout est dit ! Pour son premier long, Laura Piana plonge à cœur perdu dans l’univers de la comédie romantique au fil des atermoiements d’une héroïne empêtrée dans un trop plein de sentiments. Et signe un film d’une grande limpidité, embrassant tous les passages obligés du genre mais avec ce qu’il faut de burlesque, de malice et de bonheur contagieux à s’y plonger que le charme opère. Et ce d’autant plus qu’elle ne pouvait rêver meilleure interprète que Camille Rutherford, irrésistible en jeune femme perclus de complexe mais décidée à en guérir.
Thierry Cheze
LA VOYAGEUSE ★★★☆☆
De Hong Sang- soo
Cette troisième collaboration entre Hong Sang-soo et Isabelle Huppert, après In Another Country et La Caméra de Claire, s’inscrit dans une période créative où le cinéaste sud-coréen prend plaisir à simplifier sans cesse sa narration (son précédent film In Water était en cela un sommet de minimalisme). Huppert incarne ici une Française fraîchement arrivée à Séoul qui s’improvise professeure de français afin de combler ses difficultés financières et la sensation de spontanéité va logiquement se trouver au coeur de cette oeuvre qui semble construire chaque séquence et dialogue au gré de l’humeur. Mais le miracle est que la galerie de personnages qui en découle, pleine de solitudes et d’insatisfactions, s’avère palpitante. En montrant par exemple la crise de jalousie d’une mère envers son fils qui a osé héberger la mystérieuse française, Hong Sang-soo rappelle que les émotions les plus imprévisibles sont parfois aussi les plus vivaces.
Damien Leblanc
BRÛLE LE SANG ★★★☆☆
De Akaki Popkhadze
Suite au brutal assassinat de leur père, doyen de la communauté géorgienne, deux frères en mauvais termes se retrouvent : l’un vengeur et sanguin joué par Nicolas Duvauchelle, l’autre religieux et raisonné incarné par la révélation Florent Hill. En articulant Brûle le sang autour de leur déchéance commune en plein cœur des quartiers niçois, Akaki Popkhadze signe un film de gangsters rempli d’excès : grand-angle vertigineux, caméra agitée, couleurs saturées, performances hystériques (Oldfield cocaïné en tête), colosses géorgiens tatoués jusqu’aux oreilles… Des partis pris artistiques radicaux qui auraient pu faire mal au crâne s’ils n’étaient pas un moyen de tourner en dérision la violence masculine, d’en exposer la nocivité, de l’éclater au grand jour. Ou peut-être que Brûle le sang est tout bonnement réussi car ça gueule, ça cogne, ça saigne, tout ça avec un sacré panache.
Lucie Chiquer
RETOUR EN ALEXANDRIE ★★★☆☆
De Tamer Ruggli
Après vingt ans passés en Suisse, Sue retourne à ses racines égyptiennes au chevet de sa mère, mourante. Difficile par moment de trouver ses repères dans ce voyage introspectif entre passé et présent, naturalisme et surnaturel. Mais grâce à Fanny Ardant et Nadine Labaki dans un duo mère/fille explosif, le charme opère. Et à travers elles, Tamer Ruggli nous fait partager les souvenirs d’enfance de son Egypte natale à coup de phrases assassines, de décapotable rose et de chansons, de Warda à Dalida.
Lou Hupel
SHIMONI ★★★☆☆
De Angela Wanjiku Wamai
Geoffrey a commis l’impensable : le féminicide. À sa sortie de prison, alors qu’il tente de réintégrer la vie civile, ses propres traumatismes longtemps tapis dans l’ombre refont surface. Mais dans une culture où le silence est roi, le tumulte intérieur de Geoffrey se fait un peu trop entendre… Au-delà d’un remarquable travail du son et d’une performance troublante, toute la puissance de Shimoni tient de l’ambivalence de son protagoniste, à la fois victime et coupable de sa propre histoire.
Lucie Chiquer
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
JOUER AVEC LE FEU ★★☆☆☆
De Delphine et Muriel Coulin
Adapté de Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin, le film des sœurs Coulin (17 Filles) fait le portrait d’un caténairiste travaillant sur les chemins de fer (Vincent Lindon, toujours aussi crédible dans son emploi favori d’homme de la rue ), père de famille veuf dont les deux fils, à l’orée de l’âge adulte, s’apprêtent à prendre des chemins différents : l’un (Stefan Crepon) va bientôt partir faire des études littéraires à Paris, quand l’autre (Benjamin Voisin) se rapproche de groupes d’extrême-droite, alors même qu’il a grandi dans un foyer où ont toujours été professé des valeurs humanistes. Plutôt qu’aux causes de la séduction de l’extrémisme, le film s’intéresse aux conséquences intimes, observe les liens qui se distendent, la façon dont l’amour peut ployer. Jusqu’à rompre ? La question est posée dans le dernier acte, qui offre à Lindon – primé à Venise - l’occasion d’un long monologue, certes puissant et émouvant, mais qui déséquilibre et cannibalise le film. Et Jouer avec le feu, quelque peu pétrifié par la mission civique qu’il s’est fixé, risque de ne prêcher que les convaincus.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéVOL A HAUT RISQUE ★★☆☆☆
De Mel Gibson
Quand, même dans la plus B des séries B, un auteur parvient à injecter ses obsessions et à les rendre identifiables, c’est là qu’on le reconnaît, paraît-il. En l’occurrence ici : le portrait du tueur joué par Mark Wahlberg, obsédé sexuel sado-maso et grimaçant qui passe son temps à décrire les sévices qu’il rêve d’infliger à Topher Grace et Michelle Dockery, tout en subissant lui-même d’affreuses douleurs. C’est ainsi que Mel Gibson s’approprie, et pirate à sa façon, ce projet rigolo mais quand même assez banal, dont le script aurait pu être trouvé dans les indésirables de la boîte mail de Jaume Collet-Serra (une US marshal, son prisonnier et un tueur à gages sont coincés dans un avion au-dessus de l’Alaska). C’est juste que le gouffre entre son précédent et très beau Tu ne tueras point (2016, et oui) et ce micro Ailes de l’enfer est tout de même abyssal. Il paraît qu’il est toujours en train de préparer la suite de La Passion du Christ…
Sylvestre Picard
PREMIÈRE N’A PAS AIME
TOUTES POUR UNE ★☆☆☆☆
De Houda Benyamina
Même si elle a depuis mis en scène des épisodes de la série The Eddy ou co- réalisé le documentaire Salam sur Diam’s, on attendait forcément beaucoup du retour sur grand écran d’Houda Benyamina, après le carton de Divines (Caméra d’Or à Cannes et trois César). Une attente dopée par la curiosité autour du projet de Toutes pour unes : et si les fameux Trois mousquetaires de Dumas avaient été des femmes ? Soit la promesse, sur le papier, d’un nouveau geste féministe puissant et en dehors des archétypes, dans la droite lignée de Divines. Même si son absence de toute sélection dans un festival majeur pouvait inquiéter. Une inquiétude hélas vite confirmée dès les premières images. Car la mayonnaise ne prend pas. Est-ce un problème d’écriture ou de montage ? En tout cas la réalisatrice se perd dans les différents films qu’elle entend ici faire rentrer un seul. Du plaidoyer féministe au western spaghetti, du message politique à la farce. La confusion règne ici en maître. Avec en plus d’énormes soucis de dialogues sur- signifiants et de rythme. Des séquences trop montées à la hache et d’autres interminables au fil d’un récit où trois jeunes femmes en quête de liberté prennent sous leur aile une jeune musulmane convertie de force au catholicisme. Ce geste indéniablement ambitieux qui se fracasse sur la réalité de ce qu’on voit. Et ce en dépit d’un quatuor de comédiennes irréprochables : Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Sabrina Ouazani et Daphne Patakia.
Thierry Cheze
Et aussi
L’Espion de Dieu, de Todd Komarnicki
On the go, de Julia de Castro et Maria Gisèle Royo
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