A l'occasion de la sortie de Cheval de guerre, rencontre en trois temps avec Kathleen Kennedy, productrice privilégiée de Spielberg. Troisième et dernière partie.
Par François Grelet
Les deux premières parties de l'interview sont à lire ici :
Kathleen Kennedy : "Rencontres du troisième type a changé ma vie" Kathleen Kennedy : "Spielberg est quelqu'un de très fidèle"Kathleen Kennedy, on parle beaucoup des références ciné de Cheval de guerre, limpides et indiscutables. On évoque moins ses références picturales…
C'est juste. Il y a pourtant eu un gros travail à ce niveau-là. On a répété le modus operandi de Tintin où la case d’Hergé définit l’approche stylistique du film. Mais je ne sais pas si je suis la mieux placée pour vous répondre.
C’est quand même vous qui racontiez à l’époque que le style Amblin, est un hommage au « Bleu Matisse »…
Effectivement. C’est Steven qui a en quelque sorte fait mon éducation « picturale ». C’est un gros collectionneur d’art, vous savez. La référence au « bleu Matisse » lui appartient à 100%.Vous vous considérez comme une artiste ?
Ah oui. En tout cas j’aime à le penser. Les films que je produis ont indéniablement une esthétique commune, des thématiques qui se recoupent. Et j’espère que ce n’est pas innocent. Il y a toujours un moment au cinéma où la logistique devient un acte de création, un geste artistique. Et puisque mon travail de productrice, c’est justement d’être la responsable de cette logistique, alors…
Vous souffrez de ce manque de reconnaissance artistique, justement ?
Oh non. Les gens ne savent pas vraiment en quoi consiste le métier de producteur. D’ailleurs moi-même parfois je m’y perds. C’est beaucoup plus facile d’expliquer votre métier aux gens lorsque vous êtes acteurs, où scénariste. Parfois je les jalouse…
D’ailleurs, vous êtes toujours en contact avec votre amie Melissa Mathison, la scénariste d’E.T. ?
Elle développe en ce moment même un projet pour moi. Bonne nouvelle : Melissa s’est remis à écrire…
Oui, on n’avait plus eu de ses nouvelles depuis Kundun. En 97. Une éternité.
Elle s’occupait de ses enfants…
Spielberg raconte tout le temps que c’est les journalistes francophones qui ont lui fait découvrir Tintin lors de la promotion du premier Indiana Jones. Pourtant il me semble avoir entendu que c’était plutôt Melissa Mathison qui lui avait mis les albums entre les mains, quelques temps auparavant…
Oui, c’est Mélissa qui a mis le feu aux poudres. Pendant l’écriture d E.T, Steven lui montre une pré-version des Aventuriers… et Melissa s’exclame : « Mais Steven tu as tout piqué à Tintin ». Steven : « Qui ? ». Donc oui c’est elle qui a mis la première couche, et après son voyage en Europe, Steven s’est dit « Bon, là, il faut vraiment que je jette un coup d’œil à cette fameuse bédé ».
5 ans après E.T vous quittez la présidence d’Amblin, pour devenir créative chief, et ensuite fonder votre propre compagnie aux coté de Frank Marshall, on en revient à cette idée de la productrice artiste…
C’est exactement ça. Avant 1987, j’étais dans l’exécutif pur et dur. Et, un beau jour je me suis réveillé en réalisant que je ne voulais plus faire ça. Du tout.
Pourquoi ?
Je voulais faire des films ! Ne plus être à la solde des studios, m’impliquer à 100% dans la conception des films…
Ce n’était pas le cas, chez Amblin ?
Si, sauf que je gérais 5 films en même temps. Donc en fait aucun à 100%.
Votre job consistait aussi à vous occuper de Spielberg, un peu à la manière du manager d’un groupe de rock. Vous avez construit son image public et…
Non, pas du tout. A quoi faites-vous référence ?
Ce n’est pas vous qui lui avez conseillé de ne pas aller à l’enterrement de John Belushi, précisément parce que ça pourrait nuire à son image d’assister aux funérailles du plus junkie des acteurs hollywoodien ?
C’était un conseil d’ami.
Vous réfutez donc cette idée de la productrice-manager ?
Complètement.
Ok fin de la parenthèse. Qu’est ce qui a motivé, la création de votre compagnie, Marshall/Kennedy ?
On sentait avec Frank, que Steven voulait voir plus gros qu’Amblin. Les prémices de Dreamworks se mettaient en place. Alors nous avons créé notre propre structure, presque familiale, dans laquelle Frank pourrait par exemple réaliser ses propres films.
Une manière de s’éloigner de Spielberg ?
Pas du tout. Il a toujours été question de continuer à produire ses films. Parmi d’autres.
En même temps c’est compliqué de revendiquer son indépendance, alors que d’une manière ou d’une autre vous devez toujours débloquer votre planning quand Spielberg décide de rentrer en production…
Oh il a bien tourné quelques films sans moi.
Deux.Oui, Il Faut sauver le soldat Ryan et Minority Report.
C’est peu.
On s’aime beaucoup vous savez…
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