Ce qu’il faut voir cette semaine.
Nota : Pour cause de crise sanitaire, certains films, qui avaient déjà été critiqués juste avant le confinement, ressortent cette semaine, dès le lundi 22 juin. Nous les indiquons plus bas. Certains autres, critiqués dans notre magazine d’avril, sont détaillés ici.
L’ÉVÉNEMENT
L’OMBRE DE STALINE ★★★☆☆
D’Agnieszka Holland
L’essentiel
La polonaise Agnieszka Holland signe un film historique qui impressionne, malgré quelques longueurs.
En 1933, Gareth Jones est un journaliste politique anglais aussi ingénu qu’ambitieux -et qui possède la belle gueule de James Norton, souvent cité comme potentiel nouveau James Bond et vu par exemple dans l'excellente mini-série de la BBC Guerre et paix (2016) avec la fine fleur des jeunes acteurs british. Gareth, donc, part à Moscou sur un coup de tête en rêvant d’interviewer Staline..
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A AIMÉ
LE CAPITAL AU XXIÈME SIECLE ★★★☆☆
De Thomas Piketty et Justin Pemberton
Au départ, il y a un livre best- seller. Publié en 2013 en France, Le Capital au XXIème siècle a ensuite été traduit dans plus de 40 pays dans le monde (un quasi record pour un essai aussi volumineux de ce type) avec à la clé plus de 3 millions d’exemplaires écoulés. Il faut dire que Thomas Piketty y développe la question au cœur des crises à répétition – économiques, sociales, politiques – de nos démocraties occidentales : l’aggravation exponentielle des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres.
Thierry Cheze
THE HUNT ★★★☆☆
De Craig Zobel
Loin d’être un bête défouloir ou un remake déguisé des Chasses du comte Zaroff, le film scénarisé par Nick Cuse et Damon Lindelof (qui ont bossé ensemble sur The Leftovers et Watchmen) s’échappe très vite de son postulat de départ pour tenter de transposer à la lutte des classes ce que Get Out a fait pour le racisme.
François Léger
MICKEY AND THE BEAR ★★★☆☆
D’Annabelle Attanasio
Pour Hank, la vie s’est arrêtée à la mort de sa femme. Déjà accro aux opiacés, ce vétéran de la guerre d’Irak a dès lors définitivement basculé dans une autre réalité et fait de la vie de sa fille Mickey - qui vit seule avec lui - un enfer. Car sans elle, son immobilité morbide le condamne à une mort certaine. Mais en restant à ses côtés, cette ado se voit condamnée à une prison qui l’empêche d’envisager le moindre avenir radieux, à commencer par sa première vraie histoire d’amour qui lui tend les bras. Et ce sans compter que dans ses crises les plus furieuses, Hank prend Mickey pour sa défunte épouse et manque de basculer dans l’irréparable. Découvert à l’ACID lors du Cannes 2019, Mickey and the bear paraît au départ cocher toutes les cases de la tragédie familiale vue par le ciné indépendant US. Sauf que comme Debra Granik avec Winter’s bone, Annabelle Attanasio réussit à transcender les archétypes. A créer une vraie tension sourde et sans cesse au bord de l’explosion atomique. Des négociations de Mickey avec des psys pour pouvoir ravitailler son père en médicaments au moment où elle lui présente l’élu de son cœur, la cinéaste dépasse les situations convenues pour créer un suspense aussi poignant que digne, sans une once de sensiblerie. Et cela, elle le doit aussi à une interprète de feu, une révélation digne de celle d’une Jennifer Lawrence dans Winter’s bone : Camila Morrone. Cinégénie fascinante, justesse jamais prise en défaut, capacité à emmener chaque scène ailleurs… elle pose ici le premier étage d’une fusée qui devrait l’emmener très loin et très haut.
Thierry Cheze
JEUNESSE SAUVAGE ★★★☆☆
De Frédéric Carpentier
Tourner un film sur la délinquance juvénile avec des acteurs amateurs issus des quartiers est à la mode, qu’on pense à Corniche Kennedy, L’Atelier ou Shéhérazade. Autant de films situés au bord de la Méditerranée, tout comme Jeunesse sauvage, portrait d’un groupe de voleurs de rue sétois. Pour son premier film, Frédéric Carpentier capte avec bonheur l’énergie brute de ses jeunes acteurs qu’il plonge, à travers son héros tragique (fils de SDF livré à lui-même), dans une histoire de pouvoir (comment le garder) et d’amour impossible (avec une jeune fille “bien”). Les intentions sont louables mais pas toujours bien exécutées : la dimension documentaire l’emporte sur la conduite d’un récit qui s’éparpille dans trop de directions à la fois. On suivra néanmoins avec attention le parcours de Frédéric Carpentier.
Christophe Narbonne
CANCION SIN NOMBRE ★★★☆☆
De Melina Leon
Noir et blanc sublime, format 4/3… C’est d’abord par sa splendeur formelle – sous influence Bela Tarr - que le premier long de Melina Leon vous saisit. Beau, très beau, trop beau même redoute t’on comme si elle surjouait une poésie de la misère dans cette plongée au cœur du Pérou des années 80, période noire pour ce pays entre une économie en berne et la violence des activistes du Sentier Lumineux. Puis l’intrigue se précise : une femme sans ressources enceinte se fait voler son nouveau-né dans une clinique l’ayant attiré par son offre de soins gratuits et sollicite l’aide d’un journaliste pour le retrouver. Et soudain, tout fait sens. Cette forme donne du relief au fond, au récit de cette enquête qui n’oublie jamais de creuser en profondeur ses personnages. Loin de ces films à sujet dont leurs auteurs oublient de faire du cinéma, une œuvre envoûtante et déroutante.
Thierry Cheze
MIDNIGHT RUNNER ★★★☆☆ (24 juin)
De Hannes Baumgartner
On ne connaît pas de ce côté-ci des Alpes Mischa Ebner, surnommé en Suisse “le tueur de minuit”, un serial-agresseur de femmes qui finit par en blesser gravement une et en tuer une autre dans une escalade de violence inexpliquée. Le premier film de Hannes Baumgartner ne cherche d’ailleurs pas à établir son profil meurtrier mais à raconter le quotidien d’un jeune homme bien sous tous rapports, cuisinier de son état, en couple et coureur de haut niveau. C’est par effraction que nous entrons dans la psyché tourmentée de ce Jonas (rebaptisé ainsi pour la fiction) : par des flashbacks-éclair sur son frère décédé, des hallucinations ou des gros plans sur son visage fermé. Une approche minimaliste qui peut dérouter mais qui distille insidieusement son poison.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
NOUS LES CHIENS ★★☆☆☆
De Oh Sung-yoon et Lee Choon-baek
Moong-Chi est un chien heureux, habitué à vivre en maison en compagnie de son maître. Lorsque ce dernier l'abandonne subitement au milieu de la forêt, le toutou se retrouve obligé de vivre en meute avec d'autres laissés pour compte de son espèce. La meute découvre la liberté et cherche à échapper à la folie des hommes en se rendant sur des terres réputées désertiques...
François Léger
BALLE PERDUE ★★☆☆☆ (sur Netflix)
De Guillaume Pierret
Un génie de la mécanique un peu voyou (Alban Lenoir) est débauché par la police pour customiser ses voitures dans sa lutte inégale contre les go fast. Lino est bientôt au cœur d’une machination malgré lui... La première séquence donne le ton. On y voit Lino braquer une banque en défonçant quatre murs en béton armé avec une voiture-bélier de son invention.
Christophe Narbonne
BENNI ★★☆☆☆
De Nora Fingscheidt
Nina a 9 ans et un rêve : revenir vivre chez sa mère qui, incapable de s’en occuper, l’a laissée dans les mains des services sociaux où elle a développé une colère qu’elle peut de moins en moins contenir. Surtout quand cette mère – célibataire, avec deux autres enfants à charge – lui promet qu’elle va enfin l’accueillir sans tenir son engagement. Pour son premier long, Nora Fingscheidt signe un film sous haute tension et à la limite du supportable, au fil des crises de rage de cette enfant de 9 ans, pourtant entourée par des éducateurs attentionnés donnant tout pour la sauver d’elle-même. Mais la cinéaste peine à gérer la représentation de cette hystérie à l’écran avec une fâcheuse tendance à en rajouter, alors que le malaise est parfaitement créé par la géniale interprétation d’Helena Zengel, déjà repérée par Hollywood : elle sera à l’affiche du prochain Greengrass avec Tom Hanks.
Thierry Cheze
MON NOM EST CLITORIS ★★☆☆☆
De Lisa Billuart Monet et Daphné Leblond
Nécessaire et engagé, ce documentaire traite de la sexualité féminine avec les intéressées. Le début du film commence par une question anodine toute droit sortie du Petit Prince « Dessine-moi un clitoris ». La succession de croquis aussi différents que surréalistes témoignent de l’ignorance des interrogées sur le sujet. Entre rires et pudeurs, les jeunes filles scrutées au plus par la caméra vont alors confier leurs expériences, leurs sensations, et révélées leurs souffrances et leurs doutes. L’éducation sexuelle se résumant souvent à l’aspect technique d’un cours de S.V.T., elles manquent de repères et adoptent souvent la vision des garçons plus éloquents sur le sujet. Nous suivons donc dans ces confidences intimes un portrait d’une génération (dommage de ne pas avoir ouvert sur plusieurs tranches d’âge) qui tente de comprendre pourquoi elle a vécu sa sexualité de manière taboue et complexe. Les témoignages sont courageux, pudiques et sensibles, parfois drôles. C’est aussi une manière de parler de liberté, de consentement, de libération des corps face à une société encore corsetée où la parole si nécessaire ne trouve pas souvent d’espace pour se déplier. Il y a malheureusement un effet répétitif dans ces témoignages cadrés serrés qui rend le documentaire un peu monotone. Il y manque un peu de respiration et de poésie. Peut-être aussi une vision de l’homme moins négative que celle apportée par ces témoignages. Toujours fautif, le regard masculin est souvent opposé à celui de la femme. Quelle triste idée qui ne reflète pas la réalité.
Sophie Benamon
PERRO BOMBA ★★☆☆☆
De Juan Caceres
Juan Caceres n’a pas 30 ans et déjà un tempérament prometteur. Dans son premier long métrage, il s’attaque au racisme (séculaire ?) qui mine son pays, le Chili. Soumis à d’importantes vagues migratoires, notamment haïtiennes, l’ex-dictature traite littéralement ses réfugiés comme des sous-hommes. Dans des scènes d’une violence verbale hallucinante, Caceres montre notamment comment un patron blanc (joué par le toujours épatant Alfredo Castro) humilie ses ouvriers clandestins noirs, obligés de subir sans broncher ses avanies. Seul l’un d’entre eux se rebelle et finit par l’envoyer au tapis. Un geste fou qui le condamne à l’isolement. Entre hyperréalisme et bad trip, Perro bomba impose un ton puissant, hélas un peu miné par son didactisme et son envie de bien faire.
Christophe Narbonne
JUNGLE JIHAD ★★☆☆☆ (en VOD uniquement)
De Nadir Ioulain
Thriller spirituel, film d’animation, drame philosophique… Pour son premier long-métrage, tourné en 2012, Nadir Ioulain explore les genres pour mieux évoquer le sujet épineux de la radicalisation islamique. Un thème risqué mais courageux, raconté à travers le portrait de deux musulmans que tout oppose : le premier est un flic déguisé en chauffeur de taxi dont la femme et la fille ont été tuées lors d’un attentat ; le deuxième un extrémiste en cavale prêt à en découdre. Des maladresses, il y en a -la mise en scène est parfois brouillonne et les dialogues souvent excessifs- mais le sujet a le mérite d’être traité avec passion et beaucoup d'originalité.
Julia Mothu
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
FILLES DE JOIE ☆☆☆☆☆
D’Anne Paulicevich et Frédéric Fonteyne
Il y a un gros problème de cohérence du récit et de logique dans ce film qui suit trois femmes menant une double vie : filles des quartiers pauvres du Nord de la France le matin, prostituées dans une maison close en Belgique l’après-midi. Mais les héroïnes de Filles de joie n’ont rien de Fantine des temps modernes. Jamais on ne sent l’urgence de la précarité les menacer. On apprend que l’une d’elles (Noémie Lvovsky alias Dominique alias Circé) est infirmière dans un hôpital ! Avec la charge de travail de ce métier, on se demande bien comment une infirmière aurait le temps d’aller tenir salon dans un bordel présenté comme un refuge. Ajoutons que les partitions confiées aux acteurs masculins sont absurdes : il n’y en a pas un pour sauver l’autre. Et que quand sa deuxième partie, le film vire au thriller, c’est encore pire…
Sophie Benamon
THE GREAT GREEN WALL ★☆☆☆☆
De Jared P. Scott
Faire pousser un mur d’arbres de 8000 km traversant l’Afrique d’est en ouest. Cet ambitieux projet lancé en 2007 pour lutter contre la désertification de ce continent (et ses conséquences : conflits exacerbés, migrations forcées...) est au cœur de ce documentaire qui court trop de lièvres à la fois pour convaincre. On ne saura ainsi quasiment rien des polémiques qui ont entouré cette idée en apparence épatante. À la place, on suit la chanteuse malienne Inna Modja à la rencontre des concepteurs de ce Great Green Wall, des populations qui lui confient les tragédies atroces vécues au quotidien, mais aussi de musiciens pour imaginer un album accompagnant cette initiative. Il y a dix idées de documentaires possibles dans ce film où on passe son temps à survoler au lieu de creuser. Le tout desservi par une mise en images obsédée par une joliesse qui finit par gêner l’écoute.
Thierry Cheze
MOSQUITO ★☆☆☆☆
De João Nuno Pinto
João Nuno Pinto a bien révisé son Coppola et son Herzog avant de signer son deuxième long métrage, l’histoire d’une descente aux enfers d’un soldat paumé dans la savane mozambicaine, en 1917. Sous influence manifeste, il s’essaie au grand film malade, plein de plans floutés, de divagations surréalistes, de cauchemars affreux et de rencontres étranges prétextes à des monologues philosophiques abscons postillonnés par des personnages sales et en guenilles. L’agacement profond, ressenti devant tant de références mal digérées, est décuplé par le découpage façon puzzle de Pinto qui finit de perdre le spectateur. Lequel se raccroche tant bien que mal à la beauté de la photo et à certaines séquences païennes, proches du cinéma bis, qui ont le mérite de le sortir de sa torpeur.
Christophe Narbonne
Déjà critiqués et publiés sur le site
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L’appel de la forêt***
La Communion***
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L’esprit de famille**
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Vivarium***
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Si c’était de l’amour**
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Une sirène à Paris**
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10 jours sans maman, de Ludovic Bernard
Be Natural, l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché, de Pamela B. Green
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J’irai décrocher la lune, de Laurent Boileau
The Boy, de William Brent Bell
The demon inside, de Pearry Reginald Teo
Sonic le film, de Jeff Fowler
Thanatos, l’ultime passage, de Pierre Barnérias
Les visages de la victoire, de Lyèce Boukhitine
Le voyage du Dr Dolittle, de Stephan Gaghan
Where Is Jimi Hendrix ? de Marios Piperides
Yiddish, de Nurith Avid
Parkour(s), de Fatma Zohra Zamoum (24 juin)
Voyage en Kabylie, de Hace Mess et Mathieu Tuffreau (24 juin)
Reprises
L’amour à la ville, de Collectif
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