suites au box-office 2024
Disney / paramount

Faut-il absolument un numéro 2 collé au titre pour faire recette ? Cette année, la réponse est oui. Indubitablement oui. Au point d'inquiéter sur la propension d'Hollywood à ne plus créer.

Les chiffres du box-office mondial de 2024 sont édifiants :

  • Les 10 films qui composent le Top 10 de l'année sont des suites hollywoodiennes
  • 16 des 20 plus gros succès sont des suites hollywoodiennes
  • 50% des 50 plus gros cartons de 2024 dans le monde sont des suites hollywoodiennes
  • 10 milliards de dollars ont été cumulés par toutes les suites hollywoodiennes au box-office 2024
  • 30% du total des recettes du box-office 2024 (soit 35 milliards aujourd'hui) proviennent de suites hollywoodiennes
Dune 2
Warner Bros.

L'incroyable succès de Vaiana 2, ces derniers jours, remet une pièce dans la machine d'un débat voué à ne jamais trouver sa vérité. La petite aventurière du Pacifique repart sur l'océan et explose tous les records au box-office 2024. Comme Riley dans Vice-Versa 2 ou Gru dans Moi, Moche et Méchant 4 ou les monstres dans Godzilla x Kong 2. La culture du divertissement déjà-vu écrase toute l'industrie américaine. Les suites - sequels ou prequels confondus - sont partout et représentent l'essentiel des succès en salles tout autour du globe. Alors faut-il y voir un problème ?

Déjà, cette orientation ne date pas d'hier. Cela fait quelques décennies que les grands studios misent sur ces continuations. Sans forcément y mettre les formes au départ. De Highlander 2 à La Mouche 2 en passant par Le Flic de Beverly Hills 2, Staying Alive ou Speed 2, les suites ont d'abord eu mauvaise réputation. Mais passé le cap du XXIe siècle, elles ont été repensées à travers une forme de prestige nouveau, pour en faire un quasi genre en soi. Précédemment mal perçues par le public (on en parlait comme de vulgaires cash machines), les suites font désormais partie du décor, elles s'incorporent à des franchises estampillées d'une ambition certaine, et s'accompagnent de cette idée d'un spectacle "garanti". Comme pour justifier le prix de la place - de plus en plus élevé. Dans cette optique, l'industrie ne cherche plus vraiment à faire des chefs-d'œuvre, mais se contente volontiers de films moyens, tout au mieux satisfaisants, pour ne pas dire honnêtes au sens littéral : on ne vole pas le spectateur. Le divertissement promis est bien là. Et c'est une réalité : Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire en a mis plein la vue. Deadpool 3 était franchement fun. Twisters plein d'énergie. La Planète des singes : Le Nouveau Royaume indéniablement impressionnant. Et Beetlejuice 2 a assumé proprement son fan service.

Box office mondial 2024
Box-office mojo

C'est dans cette voie que semble se diriger à toute berzingue le cinéma américain de demain, faisant écrire à Variety aujourd'hui : "La culture des suites hollywoodiennes est une forme créative relativement saine. Et compte tenu de sa domination commerciale actuelle, dans une industrie suffisamment menacée existentiellement pour avoir besoin de tous les succès en salle possibles, aucune personne sensée ne contesterait la nécessité de faire ces films."

Sous-entendu : ce sont les suites qui attirent les spectateurs dans les salles obscures, permettant par ricochets à Anora, à Conclave, à Pauvres Créatures ou à Iron Claw d'exister. "Les suites assurent la survie du cinéma, sans le nourrir" résume Variety. Mais là se pose aussi le nœud du problème : à force de se cannibaliser, Hollywood aura-t-il encore de la matière dans les futures décennies ? Quelles suites inventer s'il n'y a plus d'original à poursuivre ? Pixar et son boss, Pete Docter, assument et ont déjà annoncé avoir décidé de mettre un stop aux histoires originales. Bob Iger, le patron de Disney, martèle qu'il ne veut pas "s'excuser de faire des suites" résumant ainsi le diktat absolu du box-office : "On est arrivé au point où si l'un de nos films ne fait pas 1 milliard de dollars au box-office, on est déçu ! C'est un standard incroyablement élevé."

"We're back" : La nouvelle chanson de Vaiana 2 est au cœur de ce nouveau teaser [vidéo]
Disney

Ou le cinéma vu par le seul et unique prisme du business. Cette forme de renoncement créatif, incité par une industrie bousculée par le streaming, va même au-delà des suites. Aujourd'hui, les fameuses "IP" (ces licences issues de Propriétés Intellectuelles) sont partout dans nos salles. CNBC assure que les films de franchise représentaient déjà environ 40% du total des sorties américaines en 2019. Et sur la base du calendrier actuellement connu, ce sont plus de 50 % des films des six grands studios – Universal Disney , Warner Bros., Paramount , Sony et Lionsgate – qui seront liés à des IP en 2025 au cinéma ! Que verra-t-on ? Paddington 3 (en janvier), Bridget Jones 4 (en février), Mission Impossible 8 (en mai), Jurassic World 4 (en juillet), Conjuring 4 (en septembre), Mortal Kombat 2 (en octobre), Zootopie 2 et Insaisissables 3 (en novembre) ou encore Avatar 3 (en décembre)."Les studios admettent que les produits connus sont ce vers quoi la plupart des spectateurs vont désormais", résume un analyste de chez Comscore pour CNBC. Il faut dire que pour trouver trace d'un film totalement original dans le top 10 du box-office global - qui ne soit ni adapté d'une IP, ni d'une franchise, ni d'un roman, ni un biopic - il faut remonter 10 ans en arrière, à l'époque d'Interstellar (2014) et ses 680 millions...

Et en France ?

Un p'tit truc en plus devient le plus gros succès de 2024 en France
Pan Distribution

L'exception culturelle se décline-t-elle jusqu'au bout du box-office en France ? Pas totalement. Il y a aussi des franchises chez nous et les producteurs misent, parfois, sur les suites ou les IP à succès. Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu (de Guillaume Canet), le nouvel opus chez les Gaulois, avait été par exemple, le plus gros succès de l'année 2023 (4,6 millions d'entrées). 

Mais la tendance est nettement moins prégnante. Une foule d'œuvres originales parvient encore et toujours à se frayer un chemin au sein des studios français et à se faire une place de choix dans les salles hexagonales. La preuve avec le carton inattendu d'Un p'tit truc en plus, imaginé par Artus, plus gros succès du box-office 2024 (11 millions d'entrées). L'Amour Ouf (par Gilles Lellouche) a passé les 4 millions et Cocorico (de Julien Hervé) a frôlé les 2 millions tandis qu'Emilia Pérez (de Jacques Audiard) a été vu par 1 million de spectateurs. Chez nous, les suites à succès de 2024, au-dessus du million, se limitent à Maison de retraite 2 (de Claude Zidi Jr.) et Ducobu passe au vert (d'Élie Semoun)...