Le Star Wars de Rian Johnson réussit là où celui de J.J. Abrams avait échoué.
L’épisode VIII de Star Wars, reviendra ce soir sur TMC, et c'est peut-être le plus clivant que la saga ait livré en 40 ans d’existence. Loin de faire l’unanimité comme L’Empire contre-attaque, le film pivot de la nouvelle trilogie déchire la fanbase et les spectateurs, et à Première aussi (même si on défend globalement le long-métrage) le parti pris de Rian Johnson a été diversement apprécié.
A sa sortie, fin 2017, comme pour Le Réveil de la Force (ici et là) deux ans plus tôt, nous avions donc décidé de passer en revue les réussites et les échecs des Derniers Jedi.
Les Derniers Jedi : Les 8 échecs de Star Wars 8
Nous rappeler que Mark Hamill est un bon acteur
La scène muette de Mark Hamill à la fin du Réveil de la Force avait laissé le public (et l’acteur) sur sa faim. Avec Les Derniers Jedi, les fans de Star Wars sont rassasiés. Luke est un des personnages centraux, si ce n’est LE personnage central du film. Et il a le droit à une partition à la hauteur de son importance dans l’histoire de la saga.
Mais, surtout, on re découvre que Mark Hamill peut être un bon acteur, ce qu’on avait rarement eu l’occasion de constater au cours des 35 dernières années. A moins d’avoir regardé la série animée Batman en VO, on peut même dire qu’on n’avait pas entendu sa voix depuis Le Retour du Jedi (en dehors de son petit rôle dans Kingsman).
Luke l’ermite est donc une parfaite métaphore de Mark le comédien. Les deux sont réticents à replonger dans cette histoire ringarde de Jedi ("Just when I thought I was out, they put me back in", comme dirait Michael Corleone), mais ils y vont quand même, par esprit de devoir, mais un peu pour le plaisir aussi. Résultat, Hamill livre la prestation de sa carrière. Un adieu parfait ? Presque, car on parie qu’il reviendra faire coucou en fantôme de la Force dans l’épisode IX.
Mark Hamill et le réalisateur de Star Wars 8 décryptent la séquence finale de Luke SkywalkerFaire revenir le VRAI Yoda
Rian Johnson a pris un gros risque en ressortant Yoda du placard. Personne ne le réclamait, personne ne s’y attendait, mais il l’a fait quand même. Et si certains spectateurs ont pu être choqué ou déçu (voire les deux), on a envie d’applaudir ce caméo à la fois très sympathique et utilise à l’intrigue (si si).
Surtout, Johnson a ressuscité le vrai Yoda, celui de la trilogie originale, sans recours aux effets spéciaux numériques ! "C'était une marionnette, à 100%", a expliqué le réalisateur à Wired. "On a carrément recréé la marionnette de L'Empire contre-attaque. Ils ont retrouvé des moules originaux, et Frank Oz est venu pour l'animer. Exactement comme ça avait été fait sur le tournage de L'Empire contre-attaque." Et voir ce bon vieux Yoda se poiler après s’être moqué de Luke, ça n’a pas de prix.
L’espace d’un instant, on est replongé à Dagobah. Yoda est toujours le maitre Jedi, et Luke le jeune padawan. Et on se rappelle de la prophétie du premier ("Le Dernier des Jedi tu seras"), qui fait écho au titre de l'épisode VIII. La formation de Luke le Jedi était terminée, mais il lui fallait encore un dernier conseil pour devenir à son tour un maitre. C’est chose faite.
Equilibrer la Force comique et tragique
L’humour a toujours été partie prenante de la saga Star Wars, et Rian Johnson ne s’est pas privé d’y recourir dans Les Derniers Jedi. Avec la distance d’un fan passé de l’autre côté, qui n’hésite pas à balancer des blagues bien méta, limite Folle histoire de l’espace, comme avec ce plan sur le fer à repasser qu’on prend un instant pour un vaisseau impérial.
Dès la première scène à Ach To, la tension dramatique est évacuée quand Luke bazarde par dessus son épaule le sabre laser tendue par Rey. Comme si Johnson voulait rappeler à tous ceux qui prennent ça trop au sérieux que Star Wars est d’abord une grosse farce, avec ses chevaliers armés de sabre laser, ses méchants masqués et ses étranges créatures. Un ton qui tranche avec l’aspect par ailleurs tragique des Derniers Jedi.
Saupoudrer le mignon comme il faut
Autre figure imposée de Star Wars, le mignon est lui aussi bien présent. Mais dosé avec justesse. La promo pouvait nous faire craindre une overdose de Porgs, il n’en est rien. Les petits oiseaux trop choupis de Ach To apparaissent finalement très peu à l’écran, juste de quoi donner une raison d’être à Chewbacca, orphelin de Han Solo et sans autre mission que faire le chauffer Uber pour Rey.
Le mignon est même émouvant dans Les Derniers Jedi, et sert le discours sur la cause animale diffusé dans le passage à Cantobight, où Finn et Rose Tico libèrent des Fatheirs, une espèce utilisée pour des courses et victime de maltraitance. Et si les renards de cristal (alias Vulptex) sont décisifs pour la résistance, ils ne flirtent jamais avec le ridicule des Ewoks ou des Gungan. Bien joué Rian.
Nous en mettre plein les yeux
Nous en sommes au 8e film Star Wars (9e si on compte Rogue One), et il est de plus en plus difficile d’éclater les fans visuellement. Et pourtant, Rian Johnson y parvient, notamment quand Laura Dern fonce à la vitesse-lumière contre le vaisseau amiral du Premier Ordre, générant une somptueuse explosion silencieuse.
Le combat entre la garde prétorienne de Snoke et Kylo Ren et Rey nous livre une autre séquence de toute beauté. La bataille finale de Crait, planète dont le sol rouge est recouvert d’une fine couche de sel blanc, est également un modèle du genre, avec ses vieux vaisseaux rebelles bringuebalants et ses décors grandioses. Bref, en 2017 on peut encore écarquiller les yeux devant un Star Wars. Et ça fait du bien.
Faire évoluer ses personnages
On ne peut pas reprocher aux Derniers Jedi de tourner en rond sur ce point. Tous les personnages principaux évoluent entre le début et la fin du film. Luke, qui finit par abandonner son exil (enfin presque) pour embrasser sa destinée. Rey, qui réalise que les réponses à ses questions sont en elle, pas dans la tête de Luke. Kylo Ren, qui supplante son maitre et se révèle moins soumis que Dark Vador avec L'Empereur. Ou encore Poe Dameron, qui prend une bonne leçon de la part de Laura Dern et Leia Organa.
Rian Johnson justifie l'évolution de Snoke et de Kylo Ren dans Star Wars : Les Derniers JediTroller la mythologie Star Wars
Certains sont tentés de crier au blasphème, et on pourrait les comprendre. Sauf que Rian Johnson a pris la meilleure décision en décidant de se délester du poids immense de l’œuvre créée par Georges Lucas. Il pouvait se le permettre, là où J.J. Abrams avait la lourde tâche de relancer une saga à l’image écornée par la prélogie. Et il ne s’en est pas privé !
Adieu le sabre laser d’Anakin, jeté comme une vieille chaussette sur Ach To, puis brisé en deux par Kylo et Rey. Adieu le masque à la Dark Vador. Adieu Snoke, qui saute dès le 2e épisode de la trilogie contrairement à l’Empereur. Adieu les combats épiques au sabre laser, réduits à la portion congrue. Les Derniers Jedi fait table rase du passé. Et c’est tant mieux.
Et, enfin, adieu l’Etoile de la mort, ce running gag qui symbolisait les difficultés du Réveil de la Force, dont le nom est évoqué, sur le ton de la blague, par Finn sur Crait : "Tu vois ce canon ? c’est un peu comme une étoile noire". La page de la trilogie est peut-être enfin tournée.
Relancer la franchise pour 10 ans
Et c’est bien là le plus grand tour de force du film. Star Wars n’est plus condamné à nous recycler sans cesse les mêmes thèmes (le fameux triptyque Etoile de la mort + côté obscur + dilemme familiale). La saga est désormais prête à s’émanciper des Skywalker. Rian Johnson nous propose un grand saut dans le vide, et tant pis si ça ne plait pas à tout le monde.
Entre les acteurs qui vieillissent, et ceux qui meurent, il fallait bien que ça arrive. Si Disney veut encore nous abreuver de films Star Wars pour les années, voire les décennies à venir, il faut en passer par là. Et c’est clairement la mission que s’est confiée Rian Johnson, ou que Kathleen Kennedy lui a confiée, et on sent bien qu’il a planté dans Les Derniers Jedi des graines pour la future trilogie qu’il doit piloter.
Les Jedi semblent avoir perdu le monopole de la Force, désormais accessible à tous ceux qui veulent bien y croire. Comme le suggère la scène finale, l’étincelle de la résistance est en train de faire naitre des vocations un peu partout dans la galaxie. Nous laissant entrevoir un avenir alléchant pour la saga. Les Derniers Jedi a tué le père, et on ne peut pas faire plus Star Wars que ça.
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