Des Simpson à Borat en passant par Aaron Sorkin, tour d’horizon des forces démocrates en présence.
Joe Biden ou Donald Trump ? Les électeurs américains sont invités à se prononcer ce mardi. Une élection présidentielle plus tendue que jamais, en raison de la personnalité particulièrement clivante de l'actuel locataire de la Maison Blanche. Donald Trump ne fut pas tout à fait un Président comme les autres, et depuis quatre ans, Hollywood - à très grande majorité démocrate - est en guerre ouverte contre lui. Oscars, Emmys ou Golden Globes, il ne s'est pas passé une cérémonie de remise de prix sans que le gotha du grand ou du petit écran ne se donne pour mission de conspuer le milliardaire de 74 ans. Mais Hollywood a perdu une grande partie de son influence sur le corps électoral. D'ailleurs, en 2016, le cortège de soutiens issus de la pop culture à Hillary Clinton n'avait pas franchement pesé dans la balance.
Pour faire passer un message, lancer des consignes depuis sa villa de Malibu ne sert clairement à rien. Alors acteurs, producteurs et réalisateurs tentent cette année une approche différente. Pas forcément plus subtile, mais en tout cas moins directive. Depuis quelques semaines, la télévision et les plateformes de streaming américaines alignent les programmes destinés à expliquer aux électeurs le bien-fondé d’un rejet de Trump. Fiction, docu, cartoon... les prises de position sont claires et nettes : surtout, ne lui offrez pas un second mandat. Dans quelques heures, on saura si la méthode s'avère plus efficace qu'en 2016.
Les Simpson font leur "killing list"
Comme d’habitude, la série animée vieille de 32 ans a diffusé son épisode spécial Halloween. Mais ce “Treehouse of Horror XXXI" comportait aussi une séquence éminemment politique. Dimanche soir, en prime time, sur la Fox, on a vu Homer dans l'isoloir, commencer à douter de son vote. Heureusement, Lisa arrive pour engueuler son père, comme si Matt Groening engueulait l'Amérique : "Tu as déjà oublié tout ce qu'il s'est passé ces quatre dernières années ?" Et les producteurs des Simpson, fervents opposants à Donald Trump depuis quatre ans, de dresser une liste assassine des pires choses faites par le Président durant son mandat.
The Comey Rule, le biopic à gros sabots
Prévue pour une diffusion fin novembre aux USA, la fiction retraçant la bataille qui a eu lieu ces dernières années entre l'ancien directeur du FBI James Comey et le Président Donald Trump, a finalement été avancée à fin septembre. Pour être diffusée avant la présidentielle, à la demande expresse du réalisateur Billy Ray, qui s'était ému publiquement du choix de programmation de ViacomCBS, la société mère de Showtime : "Cette décision concernant notre date de diffusion a été prise au plus haut niveau de Viacom. Il n'était alors plus question d'une diffusion avant les élections. Mais pourquoi ? Je ne sais pas (...) J'espère que le peuple américain aura la chance de voir notre série très vite", expliquait le créateur de The Comey Rule au New York Times. Il a finalement eu gain de cause. Son adaptation du livre de Comey, Une loyauté à toute épreuve, a bien été diffusée ces dernières semaines, juste avant le vote. Sauf que la mini-série censée bousculer le pays a surtout eu le don d'agacer. Malgré l'imposant Jeff Daniels et l'incarnation bluffante de Trump par Brendan Gleeson, The Comey Rule a été éreintée par les critiques.
The Comey Rule est disponible sur MyCanal
Totally Under Control, le documentaire à charge
"Les électeurs ont le devoir d'en tenir compte quand ils iront voter". Alex Gibney n'y va pas par quatre chemins ! Le réalisateur oscarisé a signé une oeuvre à charge contre l'administration Trump, en filmant ces cinq derniers mois, dans le plus grand secret, un documentaire qui décrypte méticuleusement la gestion catastrophique de la crise du coronavirus aux États-Unis. Un film qui espère bien peser au moment du scrutin. D'ailleurs, si Totally Under Control est sorti dans quelques salles obscures début octobre, le distributeur Neon l'a rapidement mis en ligne sur des plateformes de streaming, Apple et Hulu. Et depuis quelques jours, il est même carrément visible totalement gratuitement sur le Web - pour les Américains - accompagné d'un lien qui vous explique comment voter...
The West Wing, Les Sept de Chicago… : le come-back d’Aaron Sorkin
Il y a 20 ans, Aaron Sorkin inventait avec le Président Jed Bartlet, héros de la série A la Maison Blanche (The West Wing), incarné par Martin Sheen, une sorte de Président idéal, antidote démocrate et fictionnel à George W. Bush, qui dirigeait alors les Etats-Unis. Aujourd’hui, alors que le Bureau Ovale est occupé par un épouvantail plus effrayant encore que Bush Junior pour le camp démocrate, Sorkin a décidé de ressusciter son Président de rêve, le temps d’une soirée. Ça s’est passé sur HBO Max, le 15 octobre dernier, avec une reunion exceptionnelle du cast historique de The West Wing (Rob Lowe, Allison Janney et les autres), qui interprétait un épisode fameux de la série, « Hartsfield’s Landing », sur la scène de l’Orpheum Theater de Los Angeles (dans le respect du protocole sanitaire). Un show pensé en collaboration avec l’association When we all vote et durant lequel, entre deux scènes rejouées avec (presque) la même vélocité et le même swing qu’à la grande époque, des guests de premier plan (Michelle Obama, Bill Clinton, Samuel L. Jackson, Lin-Manuel Miranda…) venaient appeler les spectateurs à voter. Bon, on se doute que les fans américains de The West Wing sont a priori des citoyens consciencieux, et que leurs sympathies vont plutôt au camp démocrate, mais toutes les occasions de parler de The West Wing sont bonnes à prendre (d’autant plus que l’intégrale de la série, et cet épisode spécial, sont désormais disponibles en France sur MyCanal). Ce come-back d’une des plus grandes séries de l’histoire s’accompagnait par ailleurs de la récente mise en ligne, sur Netflix, des Sept de Chicago, le deuxième long-métrage de Sorkin en tant que réalisateur : un film se déroulant en 1969-70, mais clairement déterminé à dire la vérité de l’Amérique de 2020, en quasi-temps réel. D’abord censé être distribué par la Paramount, le film s’est finalement retrouvé sur Netflix : une manière pour Sorkin de faire entendre sa voix au plus grand nombre, à un moment où les films sont malheureusement plus faciles d’accès sur les plateformes de SVOD que dans les salles de cinéma…
Borat 2, le tract-surprise de Sacha Baron Cohen
Dans Les Sept de Chicago brille un acteur génial, Sacha Baron Cohen, manifestement ravi d'y incarner l’activiste sixties grande gueule Abbie Hoffman. Sacha Baron Cohen est d’ailleurs tellement raccord avec l’activisme de Sorkin qu’au moment où on s’apprêtait à découvrir Les Sept de Chicago, on apprenait que l’humoriste avait passé les derniers mois à tourner un second volet de Borat. Un film clairement pensé pour faire le plus de mal possible au camp républicain à quelques semaines des élections – dans son climax, on y voit Rudolph Giuliani, ancien maire de New York et avocat de Donald Trump, surpris en fâcheuse posture dans une chambre d’hôtel en compagnie d’une journaliste. Baron Cohen a lui aussi privilégier un lancement sur une plateforme de streaming (Amazon Prime Video) pour mieux toucher le public avant le scrutin décisif.
The Plot Against America, l’uchronie de David Simon
Dévoilée sur HBO au printemps dernier, The Plot Against America, la dernière mini-série en date de David "The Wire" Simon, n’a pas non plus été diffusée par hasard en plein année électorale. Adaptée d’un roman de Philip Roth, cette uchronie imagine les conséquences de l’accession au pouvoir de Charles Lindberg en 1940 – l’aviateur héroïque était un antisémite notoire et nourrissait à l’époque des ambitions politiques. Toute ressemblance avec Donald Trump y était bien sûr tout, sauf une coïncidence… Comme l’expliquait David Simon à Libération en début d’année : "En lisant le roman aujourd’hui, le monde de Trump, du Brexit, de la désinformation, de la xénophobie et de la peur devient limpide. Les parallèles sont manifestes et ils soulignent l’utilité de l’histoire que [Roth] raconte, incroyablement pertinente, pour dire quelque chose sur une situation dans laquelle on patauge trop profondément pour pouvoir en tirer quoi que ce soit. J’ai tellement de mépris pour Trump et ce qu’il représente – je sais que cinq ans minimum me seront nécessaires pour trouver quelque chose dans ce "moment" qui puisse le sauver. En attendant, j’observe. (…) Et je trouve des stratagèmes pour m’adresser à Trump, car je suis un auteur politique. Si pour ça je dois rassembler des vieilles Packard et des Buick à l’écran, et dénicher des rues qui n’ont pas changé depuis 1939, alors soit."
The Plot Against America, disponible sur OCS.
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