Après des études à Cambridge qui confirment ses goûts et ses dons artistiques, James Mason devient comédien de théâtre en 1930, sur un coup de tête. Il écrit lui-même une pièce et joue occasionnellement au cinéma dès 1935. Mais, en 1943, sa création à la fois séduisante et sulfureuse dans l'Homme en gris (Leslie Arliss) fait de lui une vedette populaire. Sa réputation grandit encore après sa prestation dans Huit Heures de sursis (C. Reed, 1947). Ce qui le conduit à Hollywood en 1948. Il y tourna presque exclusivement jusqu'en 1962, ne revenant en Europe que de temps à autre. Depuis la Chute de l'Empire romain (A. Mann, 1964), il s'est souvent imposé, avec beaucoup de présence, dans des emplois de complément prestigieux mais secondaires. C'est, on l'a dit, une des plus belles voix du cinéma anglo-saxon. Mais, heureusement, ce n'est pas tout. James Mason est un acteur aussi sobre que sensible, au registre très étendu. Le fait que, ces dernières années, il a honoré de sa présence des films qui ne la méritaient guère ne doit pas nous faire oublier la dignité et le talent dont il a infailliblement fait preuve. De plus, sa sobriété lui a permis de remplir des rôles très divers et toujours de manière convaincante. Il est le charmeur et hypocrite Homme fatal (A. Asquith, 1944), le touchant maître chanteur des Désemparés (Max Ophuls, 1949), le traître très noir du Prisonnier de Zenda (R. Thorpe, 1952), ou le tragique comédien déclinant d'Une étoile est née (G. Cukor, 1954). Il fait particulièrement bon ménage avec des cinéastes élégants et esthètes qui savent pleinement profiter de sa parfaite maîtrise des nuances : Ophuls, Cukor, Lewin (Pandora, 1951), Mankiewicz (l'Affaire Cicéron, 1952 ; Jules César, 1953), Ray (Derrière le miroir, 1956, qu'il produisit), Hitchcock (la Mort aux trousses, 1959) ou Kubrick (Lolita, 1962) ont été sans doute les sommets de sa carrière. Il s'est intéressé à la production en se lançant dans des entreprises audacieuses. Outre le film de Ray, on lui doit Hero's Island (Leslie Stevens, 1962), beau film d'aventures où il campait une étonnante figure ambiguë. Plus près de nous, il a été égal à lui-même dans l'Autobiographie d'une princesse (J. Ivory, 1975), qui reposait beaucoup sur sa présence et sa voix. C'est un très grand acteur dramatique que la comédie n'a que peu tenté ; mais personne n'a jamais songé à lui demander de s'y adonner. Un des grands souvenirs que nous ayons de lui demeure le tragique Humbert Humbert de Lolita, dont Mason seul semblait pouvoir rendre vrais le désarroi et les larmes.