Tout commence comme dans un film de Pavel Lounguine. Une soirée dans un appart’ moscovite où les convives passent des vers d’Akhmatova aux verres de vodka. Des intellos bourrés et joyeux. Des bisous furtifs entre deux femmes. Et quelques heures plus tard on embarque dans un train pour le cercle Arctique avec l’une des convives de la soirée. Cette jeune étudiante finlandaise va se retrouver coincée dans un compartiment avec un russe aviné, agressif et bas du front… Ils vont partager ce lieu clos pendant des jours. Et progressivement, au rythme du roulis, surgit une amitié ivre et étrange entre ce type frustre et cette jeune femme cultivée. Ils se détestent, se trouvent, se perdent, se retrouvent.
Dans ce compartiment, Juho Kuosmanen raconte la confrontation d'une femme avec elle-même, avec ses désirs, ses préjugés, ses craintes pendant un trajet qui va de Moscou à Mourmansk, de la cité aux confins… Il y a évidemment la métaphore de la fin du communisme (on doit être au milieu des années 90), mais surtout l’idée du terminus de la jeunesse et de la confrontation au réel. Le film met en scène la “modification” de son héroïne avec une sensibilité punk, autant cinématographique que littéraire et musicale. Kuosmanen suit une progression linéaire, s’accroche aux rails de son récit et de la ligne qui relie l’Arctique. Plus on s’éloigne de Moscou, plus l’héroïne décille son regard et plus les clichés de la comédie romantique s’effritent. Ode à la beauté du monde et à l’envie d’ailleurs, ce joli film bénéficie aussi de deux acteurs fantastiques qui donnent à ce conte vaporeux une densité romanesque très séduisante.