Première
par François Rieux
18 ans. 18 ans que la franchise Fast & Furious roule des mécaniques, traçant à cent à l’heure sur le macadam brûlant aux quatre coins du globe. 18 ans que l’on suit les aventures de la "famille" Toretto. La saga motorisée et ses 8 films (bientôt 9, sûrement 10 !) commence pourtant à serrer le moteur. Trop caricaturale, trop faussement fun, trop over the top. Et si Vin Diesel et ses petits potes avaient fait leurs temps ? Et si la seule solution pour dégraisser le mammouth était de prendre deux sidekicks devenus des héros de premier plan au fil des épisodes et les sortir de la franchise ? D’un côté Dwayne Johnson, de l’autre Jason Statham. Le premier est un flic bourrin, le deuxième un espion déclassé. Luke Hobbs, Deckard Shaw. Dans le huitième et relativement mauvais Fast & Furious, seuls ces deux larrons en foire avaient tiré leur épingle du jeu au détour d’une scène d’évasion épique à base de punchlines bétons, de mâchoires cassées et de soupe de phalanges. La production a eu le pif de les choisir pour le premier film dérivé de la saga.
Laurel et Hardy sous créatine
On connaît la chanson : deux types se détestent mais doivent faire équipe pour une cause commune, à la fin ils se tapent sur l’épaule comme des frères et vont descendre quelques bières sur fond de soleil couchant. Hobbs & Shaw ne fait pas dans le neuf. 48 heures, Double détente, Tango et Cash, Le Dernier Samaritain, Bad Boys, Double Team, Kiss Kiss Bang Bang… La liste est aussi longue que le tour de bras de Dwayne Johnson est large, le spin-off s’inspirant des meilleurs buddy movies de l’histoire en remixant à sa sauce les stigmates de la comédie de brutes : vannes sur les bollocks toutes les 4mn30, chamailleries sur la taille des bi…ceps. Hobbs & Shaw ne fait pas non plus dans la dentelle mais plutôt dans le défrichage au napalm. Le tandem Johnson-Statham renvoie les autres duos de la franchise au placard. Plus charismatique que Vin Diesel et Paul Walker, plus fun que Tyrese Gibson et Ludacris, les deux font la paire tels des Laurel et Hardy sous stéroïdes.
Toujours plus loin, toujours plus fort
Le paradoxe d’Hobbs & Shaw tient à sa crédibilité. Bon, d’accord, autant qu’un épisode de Fast & Furious peut être "crédible". Alors que le scénariste Chris Morgan voudrait envoyer la team Diesel dans l’espace dans d’un futur opus, ici, nos deux musclors ont bien les pieds sur Terre -si l’on excepte une course poursuite avec un hélicoptère, gag minime comparé à n’importe quelle autre pirouette des derniers Fast & Furious. Les bagnoles ne sont plus qu’un alibi dans Hobbs & Shaw : fini les rodéos sauvages, les pépées en mini-short sur la ligne d’arrivée et les discussions pseudo-humanistes au fin fond d’un garage huileux. Hobbs & Shaw est un divertissement total, jouissif et übercool, un peu comme ce gamin dans les années 80 qui s’éclatait seul dans sa chambre avec ses G.I. Joe. David Leitch, son réalisateur, auteur du premier John Wick et de Deadpool 2, est ce gamin repoussant les limites du divertissement sans jamais pousser les curseurs dans l’autoparodie cheap. Un sprint en rappel le long d’un building ? Check. Une baston générale sur les îles Samoa avec Dwayne Johnson en pagne magnant une massue ancestrale ? Check. Idris Elba en bad guy robotisé increvable façon Universal Soldier mais qui se soucie du futur de la planète ? Check. Du Friedrich Nietzsche déclamé entre deux blagues au ras les pâquerettes ? Check aussi. Dis comme cela, on s’attend à ce que Hobbs & Shaw soit un joyeux foutoir… C’est surtout un film d’action 100% pure sueur, défouloir fantasque mais plutôt malin, renaissance flamboyante d’une franchise en perte de vitesse. Et assurément le blockbuster de l’été.