Fluctuat
Nouveau film du gang Judd Apatow, Frangins malgré eux se révèle une comédie existentielle tendre et intelligente, noyant ses délires a priori potaches et régressifs dans une quête épiphanique et réconciliatrice de l'enfance dans un monde adulte dégénéré.Adam McKay derrière la caméra, John C. Reilly et Will Ferrell devant, Judd Apatow en coulisse pour produire, le quatuor de Ricky Bobby est de retour. Comme chaque planète de la constellation de ce dernier, Frangins malgré eux est une comédie militante. C'est-à-dire un film qui oeuvre en faveur de son univers et de ses personnages, ces teenagers quadragénaires auxquels on donne le beau rôle qu'ils méritent. Dans quel but ? Faire l'éloge d'un retour accompli et lucide à l'enfance. Non pas pour se trouver des excuses et se complaire, mais pour imposer son imaginaire et sa vitalité. Et pour cela, quelle meilleure idée que ce pitch invraisemblable : deux sexagénaires tombent amoureux, décident de vivre ensemble, emmenant avec eux leur progéniture : deux ados attardés de quarante piges, éternels célibataires et inadaptés, frôlant chacun à peu près les douze ans d'âge mental. Ferrell et Reilly excellent naturellement à s'accaparer de tels personnages, réveillant la moindre attitude, la plus petite réaction, avec une conformité étrange aux gestes et états d'esprit de l'enfant. Ils sont deux corps adultes et hermétiques refusant de jouer le jeu du monde, préférant passer leur journée à regarder la télé, à se gaver de junk food ou à jouer, comme si cette société pouvait se passer d'eux. Ils n'ont pas bougé, leur pendule est restée fixée au confort rassurant d'un autre âge dans lequel ils sont une brèche, une aberration, des parasites pour le commun des mortels.Frangins malgré eux passe ainsi pour une comédie régressive : on se chiffonne, se toise comme de gosses, puis après une bagarre on fait la paix et devient les meilleurs copains du monde. Les acteurs multiplient les références, vivent dans une chambre à la déco début eighties, dorment en T-Shirt imprimé avec une licorne, rêvent de lits superposés, au grand dam de leurs parents, espérant prendre leur retraite et que leurs garnements se trouvent enfin du boulot. L'exercice peut sembler facile, mais le film réussit pourtant à s'élever : maitrise des enchaînements narratifs, précision et joie du détail, générosité de chaque instant dans le jeu de Ferrell et Reilly, chez qui pointe progressivement une mélancolie désaxée. Frangins malgré eux va plus loin, dans sa caricature et sa satire dégénérée du microcosme familial, il emmène avec lui un constat critique où les plus adaptés, obsédés par l'argent et leur notoriété, se révèlent les plus abjects et débiles. Ils ruinent vos rêves. McKay et Ferrell imaginent alors un nouveau monde au sein du nôtre, un lieu où l'enfant et l'adulte coexistent pour s'accomplir sereinement dans la normalité. Les deux compères, naturellement marginaux et anars par défaut (les scènes d'entretiens d'embauche, jubilatoires et géniales), pouvant ainsi s'émanciper sans se renier et la famille se réunir. Un film sur la réconciliation, l'amitié, l'amour, l'estime, écrit et filmé avec une intelligence plus subtile qu'il n'y paraît.Frangins malgré euxDe Adam McKayAvec Will Ferrell, John C. Reilly, Richard JenkinsSortie le 19 novembre 2008Illus. © Sony Pictures Releasing France - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils comédie, acteur sur le blog cinéma- Le gang Apatow dans la comédie américaine : voir l'abécédaire de Ben Stiller