Nathan quitte Paul. On n’en saura jamais la cause, sinon que le trentenaire a besoin d’un peu d’air. C’est le moteur classique du road-movie : partir pour mieux se retrouver. Jours de France fait ainsi de cette escapade en Alpha Romeo le prétexte attendu d’une attachante galerie de portraits : une chanteuse de maison de retraite, un jeune amant provincial qui fantasme sur Paris, une voleuse bavarde, etc. Mais Jérôme Reybaud sait aussi déjouer les clichés du genre. Il injecte notamment un zeste de modernité : l’odyssée existencialo-sexuelle de Nathan obéit au fil aléatoire de ses rendez-vous dégotés sur le site de rencontre homo Grindr, dont le système de géolocalisation permet d’ailleurs à son ex, Paul, de le suivre à la trace. D’humeur mélancolique, cette traque sentimentale sur fond de musique classique ménage de jolies ruptures comiques, en flirtant parfois avec le surréalisme : les dialogues semblent émaner directement de l’inconscient des protagonistes, sans filtre, façon écriture automatique voire même télépathie. Le parcours « sans désir fixe » de Nathan (et donc ouvert à la rencontre, perméable à l’imprévu) est aussi l’occasion pour Reybaud de livrer une vision singulière de la France dite « périphérique », ce territoire de zones commerciales anonymes, d’hôtels dépeuplés et de ronds-points disgracieux. Rarement observé autrement que comme un no man’s land séparant deux villes, il trouve ici un regard empathique et ré-enchanteur, sans se lover dans l’angélisme. Beau voyage.