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Voilà un titre audacieux. Dans la France de 2023 où la religion musulmane paraît source de tous les fantasmes et nourrit au quotidien des débats sans fin sur les chaînes info, débarquer avec un film intitulé Le Jeune Imam pourrait avoir tout du geste kamikaze… si aux commandes, il n’y avait pas un cinéaste qui, justement, ne va jamais chercher à se faire chroniqueur sociétal et privilégier le prisme de l’intime. Car Le Jeune Imam est d’abord l’histoire d’un rapport mère- fils et d’un lien distendu quand à 14 ans, voyant son ado à la dérive, cette femme d’origine africaine qui l’élève seule l’envoie au Mali pour finir son éducation. Pour elle, c’est la seule manière de le sauver. Pour lui, une punition qui rime avec abandon et le poussera, à son retour, dix ans plus tard, à tout faire pour l’épater. Et quoi de mieux pour cela que devenir l’imam de la cité ! Est- il sincère ou machiavélique ? Sincèrement touché par la foi ou uniquement mû par son intérêt ? Ces interrogations entraînent Le Jeune Imam vers le thriller quand celui- ci décide d’organiser le pèlerinage à la Mecque de fidèles prêts à y sacrifier leurs maigres économies, avant d’être piégé par des arnaqueurs. Mais la tension qui domine ce récit n’existe que par la capacité de Chapiron à raconter avec précision le lieu dans lequel elles se déroulent et à laisser le spectateur se faire une opinion sur son personnage central et à la faire évoluer à son rythme, refusant toute facilité manichéenne. Un geste effectué avec une maîtrise qui fait de ce Jeune imam – co- écrit avec Ladj Ly - le plus passionnant des quatre films de l’auteur de Sheitan.