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Alex Camilleri, vient de Malte mais vit et travaille aux Etats-Unis (New York) où il officie également comme monteur. En découvrant son premier long-métrage, on devine ce qui à favoriser son départ vers de plus vastes horizons. Malte se présente à nous sous la forme d’une embarcation de pêcheur en bois traditionnel (répondant au doux nom de « Luzzu »), dont les couleurs vives cachent mal la fragilité. Pourtant le jeune héros de cette histoire, Jesmark s’accroche, cherche l’équilibre... Il reproduit soigneusement des gestes séculaires qui ne semblent plus avoir de sens à l’heure de l’industrialisation du marché de la pêche. Le libéralisme mondialisé et décomplexé n’a que faire des petites mains qui remontent un à un leurs filets. Jesmark a aussi une famille et donc d’autres problèmes à gérer : un nouveau-né à la santé fragile, une horrible belle-mère, une femme qui attend mieux, les factures qui s’amoncèlent... Les yeux peints sur la proue de son luzzu, cache mal ses larmes en attente. Tel le héros d’un drame des frères Dardenne, Jesmark n’arrête jamais, son corps donne le rythme du film. La caméra ne le lâche pas. Son charisme renfrogné sait se montrer solaire quand il le faut et suggérer l’éclipse des sentiments quand les nuages s’amoncèlent au-dessus de sa tête. Alex Camilleri filme un territoire inédit pour révéler une situation à la portée forcément universelle. Ici l’eau sur lequel se reflète un soleil trompeur, n’est jamais dormante. Dans ce décor digne de l’Odyssée, le héros se bat pour rester à flot. Luzzu est une épopée sociale au pouvoir magnétique.