Première
par Christophe Narbonne
Romeo est un docteur honorable, un père aimant et un mari insuffisant. Rien d’anormal. Le jour où sa fille chérie est agressée, son système de valeurs s’écroule : pour aider celle-ci, forcément perturbée, à obtenir son baccalauréat, et ainsi valider la bourse de celle-ci en Angleterre à laquelle ses excellents résultats scolaires lui ont permis de prétendre, Romeo va devoir aller voir les mauvaises personnes (un flic corrompu, un politicien véreux, un proviseur redevable) pour « faciliter » les examens d’Eliza. Cristian Mungiu décortique les mécanismes menant à la chute morale d’un homme en apparence respectable qui a lutté sa vie entière contre les compromissions faciles mais qui remet tout en question brutalement. Le doit-il vraiment ? C’est la problématique, passionnante et supérieure, d’un film qui, tout en condamnant le système, montre la faillibilité humaine dans ce qu’elle a de touchant mais aussi de médiocre.
Une maîtrise impressionnante
Si Baccalauréat force autant l’admiration c’est parce qu’il nous renvoie à notre humanité chahutée par l’état du monde et par les forces invisibles de l’âme. Avec ce nouveau portrait d’une Roumanie déliquescente, rongée par la corruption, les arrangements et la violence, Mungiu étale une maîtrise impressionnante, fondée sur une écriture précise et une mise en scène antispectaculaire mais traversé de quelques fulgurances -une course-poursuite dans des ruelles menaçantes, à la limite du fantastique ; des éclairs de violence inexpliqués qui installent un climat anxiogène de bout en bout. Son Prix de la Mise en scène obtenu à Cannes n’est pour le coup pas usurpé.
Première
par Christophe Narbonne
Lauréat de la Palme d’Or en 2007, le réalisateur de 4 mois, 3 semaines, 2 jours revient avec un film encore très fort.
Cinéaste respecté (deux autres prix cannois importants ont récompensé Au-delà des Collines en 2012), Cristian Mungiu fait désormais partie du gotha international. Autant dire que Baccalauréat suscitait une attente fébrile de la part des observateurs, échaudés pour certains par les films de Loach, Mendoza et Dolan, pour beaucoup par ceux d'Arnold et Assayas, pour une minorité par celui des Dardenne. Mungiu allait-il redorer le blason des « réalisateurs cannois » ? La réponse est oui, incontestablement. Avec ce nouveau portrait d’une Roumanie déliquescente, rongée par la corruption, les arrangements et la violence, il étale une maîtrise impressionnante, fondée sur une écriture précise et une mise en scène antispectaculaire mais traversé de quelques fulgurances -une course-poursuite dans des ruelles menaçantes, à la limite du fantastique ; des éclairs de violence inexpliqués qui installent un climat anxiogène de bout en bout.
La chute d’un homme
Romeo est un docteur honorable, un père aimant et un mari insuffisant. Rien d’anormal. Le jour où sa fille chérie est agressée, son système de valeurs s’écroule : pour aider celle-ci, forcément perturbée, à obtenir son baccalauréat, et ainsi valider la bourse de celle-ci en Angleterre à laquelle ses excellents résultats scolaires lui ont permis de prétendre, Romeo va devoir aller voir les mauvaises personnes (un flic corrompu, un politicien véreux, un proviseur redevable) pour « faciliter » les examens d’Eliza. Mungiu décortique un par un les mécanismes de la chute morale d’un homme en apparence respectable qui a lutté sa vie entière contre les compromissions faciles mais qui remet tout en question brutalement. Le doit-il vraiment ? C’est la problématique, passionnante et supérieure, d’un film qui, tout en condamnant le système, montre la faillibilité humaine dans ce qu’elle a de touchant mais aussi de médiocre. Si Baccalauréat force autant l’admiration c’est parce qu’il nous renvoie à notre humanité chahutée par l’état du monde et par les forces invisibles de l’âme.