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Un biopic sur Grand Corps Malade ? Sur comment Fabien Marsaud est devenu l’incarnation du slam à la française ? Sur la création en mode « je souffre donc j’écris » ? Rien de tout cela. Patients (même titre sec que le bouquin) ne sacrifie pas à la tendance de l’hagiographie filmée exhaustive –saupoudrée de masochisme suspect. C’est une vraie proposition de cinéma qui défend un point de vue et qui cherche la meilleure façon de le mettre en valeur. Le point de vue : il épouse celui de Ben (pas Fab, donc), jeune homme victime d’un grave accident qui l’a rendu partiellement paraplégique et qui se retrouve à l’épicentre de la vie du centre de rééducation où il a atterri. Autour de lui gravitent le turbulent Farid, l’imposant Toussaint, le dépressif Steeve et la distante mais craquante Samia. L’interaction entre tous ces personnages (et les seconds rôles, impeccables), croqués avec humanité et humour, est la préoccupation principale des deux réalisateurs qui cherchent à rendre palpable la solidarité et l’esprit de corps -sans mauvais jeu de mots- qui les anime et qui les aide à supporter leur condition.
Feel-cool movie sans concessions
Oui, Patients est drôle, vivant et formellement tenu (credo des auteurs : la caméra suit les progrès de Ben, d’abord shooté en plans serrés et fixes lorsqu’il est alité, puis en plans élargis et à la Dolly à roulettes lorsqu’il est dans son fauteuil), malgré l’action en vase clos et la mobilité réduite des personnages. Une sorte de « Slow & Curious » où le spectaculaire se niche dans l’anecdotique ; dans un effort impossible pour ramener vers soi ses jambes pendantes, situation bouleversante filmée à bonne distance et à bonne hauteur et dédramatisée par la vanne qu’il faut au moment où il faut. Jamais d’effet facile ni de pathos gratuit. Nulle esquisse de rédemption non plus, cette maladie du storytelling à l’américaine qui se répand partout, balayée par la volonté de Grand Corps Malade et Mehdi Idir de dire toute la difficulté de se remettre à l’endroit sans intervention miraculeuse ou promesses irréalistes. Patients est un film honnête jusqu’au bout des alèses. Un film droit.