Avez-vous reçu le rôle de Tony comme un cadeau ? Bien sûr ! Et Maïwenn m’a dit quelque chose de déterminant : si je considérais qu’elle me faisait un cadeau, je devais lui en faire un en retour en acceptant. Elle niait implicitement toute idée de rapport de force. Ça a été le déclic. Je craignais aussi de ne pas être crédible en femme de Vincent Cassel, mais elle a su trouver les mots pour me convaincre : « Là, tu me parles comme une réalisatrice. C’est mon film. Fais-moi confiance. »Le film s’appelle Mon roi, il est sur Cassel, sur l’empathie qu’il suscite et que vous valorisez. Mais, tout en étant en retrait, vous arrivez à extraire de Tony une humanité peu banale.Pour moi, elle n’est pas en retrait. Elle est de toutes les scènes, c’est à travers elle qu’on vit cette histoire. C’est un rôle compliqué par la multitude de couleurs qu’il fallait lui donner, par le don de soi qu’il appelait. Le plus difficile pour moi était de ne pas en faire une victime – je ne crois pas à cette idée de victime et bourreau dans le couple. Les moments de bonheur qui ouvrent le film permettent de s’attacher à elle et de la faire exister à côté du personnage masculin.Chez Maïwenn, à part dans Polisse sans doute, il y a toujours une part d’autobiographie. Qu’est-ce qui transpire de vous, de Maïwenn et de ce que vous connaissez d’elle dans Tony ? Je ne sais pas si ce film est en partie autobiographique, je ne lui ai jamais posé la question. Mais si Maïwenn avait voulu se raconter, et donc se projeter dans le personnage, elle n’aurait jamais choisi une fille comme moi.Ça pouvait lui permettre de prendre de la distance... En tout cas, il n’a jamais été question de la cloner. Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est qu’il y a beaucoup de moi dans ce film ! (Rire.) Énormément de situations et d’états que j’ai connus et dans lesquels beaucoup de gens – surtout des femmes – se reconnaîtront. Il m’a fallu raviver des douleurs, des blessures... Ça vous fait sourire ? (Rire.)>> Mon Roi est une love story viscéralement féminine">>>> Mon Roi est une love story viscéralement féminineMais pas du tout ! Il y a, je trouve, une scène emblématique dans le film, celle où Tony, ivre, pète un câble à table. Certains la trouvent too much, comme si vous n’étiez pas assez dirigée. N’est-ce pas la limite de la méthode Maïwenn, tellement obsédée par la vérité qu’elle en oublie qu’il peut y en avoir plusieurs et que toutes ne sont pas bonnes à montrer ? Maïwenn ne se pose pas ces questions. Si ça lui plaît, elle garde. Cette scène n’était pas prévue. Elle est intervenue en fin de journée. Maïwenn m’a évoqué rapidement les intentions en me demandant de me lâcher à fond. La première prise, pour le coup, c’était du saut à l’élastique.Vous aviez bu ?(Rire.) Un petit peu... C’est très angoissant de jouer un truc pareil sans préparation, devant une grande tablée. Première prise en freestyle, donc. Maïwenn a ensuite affiné sa direction en me demandant de pleurer à tel moment, etc. On a fait trois prises. Je ne sais pas trop comment elle a monté tout ça. Il me semble que l’outrance, ici, fait partie des excès et de la fausseté qu’on peut parfois avoir dans la vie.Avez-vous ressenti de la gêne par moments ? De la peur, plutôt, aussitôt suivie de jubilation. On est dans l’invention permanente, dans l’action et dans l’énergie. On n’a aucune béquille, aucun texte pour se raccrocher aux branches – ce sont nos propres mots qu’on entend à l’écran.On a cette impression en effet d’une découverte de chaque scène en temps réel. C’est le cas. On ne savait pas ce que l’autre allait dire, ce qu’il allait faire, où il allait aller et à quel moment la scène finirait... Quand j’étais en panne d’inspiration, ce qui m’est arrivé souvent parce que je ne suis pas une grande bavarde, Maïwenn me soufflait vingt répliques d’affilée pendant la prise. Ça, Vincent n’aimait pas trop, d’ailleurs. Lui, il n’est jamais à court d’idées, de vannes...>> Maïwenn : "Mon Roi aurait dû être mon premier film"">>>> Maïwenn : "Mon Roi aurait dû être mon premier film"Tous les cinéastes, disons naturalistes, devraient procéder ainsi ? Certains films ont eux aussi cette espèce de charge émotionnelle, épidermique, tout en étant très écrits et répétés.C’est ce que vous recherchez vous aussi en tant que cinéaste ? Totalement. On est toutes les deux en quête d’une vérité absolue, mais on ne passe pas par les mêmes chemins pour y parvenir. Moi, j’aime prévoir et que les acteurs disent mes dialogues avec précision. Je fais très peu d’impros, et quand ça m’arrive, c’est pour des scènes très spécifiques.Aujourd’hui, vous sentez-vous toujours davantage réalisatrice qu’actrice ? Évidemment. C’est mon métier. Ce qui me fait vivre.Mais les rôles risquent de s’enchaîner maintenant ? Je suis quand même à un âge où les rôles de femmes se font plus rares. Je ne vais pas changer la donne à moi toute seule parce que j’ai obtenu un prix à Cannes !Vos ambitions sont-elles montées d’un cran ? Elles n’ont jamais été très élevées, il n’y a qu’à voir mon parcours... Mais j’avoue que ce prix me met un peu le feu. J’ai l’impression que tout est possible, que tout peut m’arriver. Mais je ne sais même pas si j’en ai envie ! (Rire.)Interview Christophe NarbonneMon Roi de Maïwenn avec Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel, Louis Garrel sort en salles le 21 octobre.
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- Emmanuelle Bercot : "Dans Mon Roi, ce sont nos propres mots qu'on entend à l'écran"
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