Cannes Jour 11
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Tous les jours, le point à chaud en direct du 77e festival de Cannes.

Le film du jour : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof (en compétition) 

Mohammad Rasoulof a donc quitté son pays, l’Iran, où il a récemment été condamné à cinq ans de prison, des coups de fouet et la confiscation de ses biens. Et il a fini par apparaître là où le monde l’attendait : au Grand Théâtre Lumière de Cannes, vendredi après-midi, pour la première mondiale de son nouveau film, Les Graines du figuier sauvage. La standing ovation qui ont accueilli Rasoulof et son équipe était évidemment plus fervente et nourrie que pour les projections des autres films en compétition. Et les applaudissements ont ponctué la projection, dans les scènes où s’expriment le plus frontalement l’opposition des personnages au régime autoritaire théocratique iranien.

Mais Les Graines du figuier sauvage n’est pas qu’un film politique – disons plutôt que la politique et le cinéma y sont constamment intriqués. Témoignage à chaud – et tourné clandestinement – sur le mouvement "femme, vie, liberté", le film examine le déchirement d’une famille : un père juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran, sa femme, et ses grandes filles qui assistent sur leurs smartphones et depuis leur fenêtre au mouvement de contestation qui a secoué l’Iran après la mort de Mahsa Amini. Entremêlant de façon impérieuse le drame moral et le thriller paranoïaque, Les Graines du figuier sauvage confirme l’importance de Rasoulof sur l’échiquier ciné mondial. La standing ovation devrait reprendre demain soir, à l’annonce du palmarès. 

Les Graines du figuier sauvage
Pyramide

La voix du jour : Jean-Louis Trintignant dans La Plus Précieuse des Marchandises (en compétition)

Elle surgit d’outre-tombe, en ouverture de La Plus Précieuse des Marchandises, le film d'animation de Michel Hazanavicius adapté du conte de Jean-Claude Grumberg. La voix magique, unique au monde, de Jean-Louis Trintignant. Celle des derniers films, Happy End ou Les Plus Belles Années d’une Vie, rauque et légèrement tremblante, mais toujours teintée de ce soupçon d’ironie qui rend les choses plus supportables – même cette histoire-là, celle d’un enfant juif miraculeusement sauvé de la Shoah par un couple de bûcherons polonais. On ne l’entendra qu’à trois reprises au cours du film, par ailleurs très peu bavard (au casting vocal, on retrouve aussi Grégory Gadebois, Dominique Blanc, Denis Podalydès…), principalement "raconté" par la musique d’Alexandre Desplat, et où le réalisateur de The Artist explore à nouveau son goût pour le cinéma muet. C’est néanmoins Trintignant qui aura le dernier mot : "Silence".

GALERIE
Metropolitan Filmexport / Les Films 13

La star du jour : George Lucas en master class 

George Lucas recevra une Palme d’or d’honneur ce samedi lors de la cérémonie de clôture, mais il était déjà la star du jour vendredi à Cannes. Dans une salle Debussy bondée et chauffée à blanc, le créateur de la saga Star Wars s’est notamment remémoré ses débuts sur la Croisette, en 1971 pour son premier film, THX 1138, en présence de son co-scénariste Walter Murch, venu assister à l’évènement. 

"Warner Bros. ne voulaient pas nous payer le voyage. Ils ont dit que la Quinzaine c’est juste pour les réalisateurs débutants, ils s’en moquaient. Avec Walter on a quand même décidé d’y aller. Il y avait une pluie de dingue et on a réalisé que c’était vraiment une petite sélection parallèle avec peu de moyens. On s’est faufilés à la projection, on n’avait même pas de tickets. Et on a loupé la conférence de presse. Je ne savais pas qu’il y en avait une !

La première partie de la master class, où Lucas est revenu sur ses débuts, était de loin la plus intéressante. Il a ainsi raconté comment Coppola lui a dit d’arrêter la SF après l’échec de THX et de se mettre à la comédie. Il réalisera American Graffiti, avec 140 millions de dollars de recettes et 5 nominations aux Oscars à la clé. Puis la discussion a basculé sur Star Wars, avec toujours les mêmes questions éculées (la trilogie ressortira-t-elle un jour dans version originale ?), auxquelles il a toutefois répondu sans rechigner, assumant sa position d’auteur tout-puissant n’écoutant ni les studios ni les gardiens du temple. 

"Je suis toujours resté indépendant parce que je suis têtu et je n'ai pas envie qu'on me dise comment je dois faire mes films. Je déteste les projections tests, il ne faut pas demander au public ce qu'il veut, il ne le sait pas. C’est ce que fait Hollywood aujourd’hui, demander aux spectateurs ce qu’ils ont envie de voir…

Trois questions à Zhang Ziyi (She’s Got No Name de Peter Chan, Hors compétition)

Dans She’s got No Name du hongkongais Peter Chan, l’actrice chinoise de 45 ans superstar dans son pays, rendue célèbre par ses rôles dans Tigre et Dragon, Le secret des poignards volants ou encore 2046, incarne une femme accusée d’avoir tuée son mari violent dans les années quarante. Un itinéraire "based on a true story" qui se confond avec les fracas de l’histoire (Deuxième Guerre Mondiale, invasion du Japon...) L’occasion peut-être de prendre le pouls sur la situation des femmes en Chine. Zhang Ziyi, installée dans un canap’ sur une des nombreuses terrasses du Palais, reçoit en présence d’une armée d’hommes et de femmes chargés de veiller au grain. Du coup on a tourné autour du pot sans vraiment réussir à briser la glace.

En quoi l’itinéraire de cette femme battue dit quelque chose de la situation des femmes en Chine ?

Zhang Ziyi : Cette femme est restée passive toute sa vie, soumise à son marin, acceptant les humiliations. Le jour où elle a décidé que ce n’était plus supportable et de prendre le contrôle de sa vie, elle a changé totalement d’attitude. Et ce revirement a été extrêmement violent. Elle était jusqu’ici une survivante, elle est devenue tout simplement vivante.

Pourrait-on imaginer raconter cette même histoire mais dans la Chine d’aujourd’hui ?  

(Elle prend du temps avant de répondre) C’est plus fort d’inscrire ce drame dans le contexte historique de l’époque. La Chine subissait alors l’attaque de l’armée impériale japonaise. Le monde était partout à feu et à sang. La société chinoise vivait dans un climat de tension. Le combat de cette femme s’est inscrit dans un moment très précis.  

Zhan-Zhou, cette femme, vivait dans une prison mentale et physique. Comment êtes-vous parvenue à exprimer ses émotions ?

Le jeu repose sur un équilibre parfois contradictoire. Ce que l’on peut lire sur un visage ne reflète pas forcément ce qui se passe à l’intérieur de l’individu que vous incarnez. C’est le mystère de l’incarnation. Pour ce rôle, je sentais que tout serait affaire de regard. La vérité des sentiments devait se lire au fond de mes yeux. 

La vidéo du jour : Milo Machado-Graner 

Il y a un an, Anatomie d'une chute était sacré Palme d'or à Cannes, où Milo Machado-Graner était de passage pour Spectateurs ! d'Arnaud Desplechin. L'occasion de revenir avec lui sur la folle aventure du film de Justine Triet.

La chanson du jour : "Globe Trotter Lover" d’Ilie Năstase dans Nasty (Séance spéciale)

En séance spéciale, le Festival de Cannes a ouvert ses portes à la légende du tennis : Ilie Năstase, sorte de George Best de la balle jaune. Grand champion, belle gueule et attitude rock’n’roll, le roumain, premier numéro 1 de l’histoire du classement ATP, a sorti le tennis de sa sphère guindée pour en faire un sport populaire au début des seventies. Le documentaire à sa gloire, Nasty, More Than Just Tennis, d’un trio de réalisateurs roumains, retrace cet itinéraire explosif. Vers la fin, une archive de 1987 montre le champion fraîchement retiré des courts s’essayer à une carrière de crooner. Et c’est en France que ça se passe. Résultat, du Julio Iglesias tout en revers slicés. Jugez plutôt.


Aujourd’hui à Cannes

Bon, ben, ça y est : c’est le grand jour, celui de la Palme d’or - et du reste du palmarès, bien sûr. Le jury de Greta Gerwig a tout vu, et la journée est dédiée à des projos reprenant l’ensemble de la compétition pour les festivaliers qui auraient loupé un truc. Pour la cérémonie, rendez-vous plus tôt que prévu, à 18h45 (finale de Coupe de France oblige entre le PSG et l'OL, l'équipe de Thierry Frémaux). On y verra aussi George Lucas se faire remettre une Palme d'or d'honneur.

A part ces rattrapages, il ne faudra sûrement pas zapper la conférence de presse de Mohammad Rasoulof pour son film Les Graines du figuier sacré, ce matin à 10h15.