Il s’agit là de sa plus longue peine alors que son dernier film, The Seed of the Sacred Fig, est en compétition cette année pour la Palme d’Or.
La 77ème édition du Festival de Cannes n’a pas encore commencé qu’elle s’annonce déjà mouvementée. Il y a quelques jours, un tribunal iranien a rendu son verdict et a condamné le cinéaste Mohammad Rasoulof à huit ans de prison, dont cinq ans applicables, pour "collusion contre la sécurité nationale". Dans un tweet, son avocat, Babak Paknia, ajoute que la sentence inclut également la flagellation, une amende et la confiscation de ses biens.
Une nouvelle qui tombe à quelques jours du Festival de Cannes où le réalisateur sera en compétition avec son dernier film The Seed of the Sacred Fig – l’histoire d’un juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran frappé par la méfiance et la paranoïa alors que les manifestations politiques s’intensifient. Cela faisait déjà quelques mois que le gouvernement iranien faisait pression sur l’équipe du film pour le retirer des compétitions internationales. Dans un échange par mail avec le média britannique, The Guardian, l’avocat a déclaré :
"Il (Mohammad Rasoulof) est accusé d’avoir réalisé The Seed of the Sacred Fig sans avoir obtenu une autorisation de la part des autorités compétentes. D'autres accusations portent sur les actrices qui ne portent pas correctement le hijab ou alors qui ont été filmées sans hijab."
À la suite de sa condamnation, le président de l’ONG Iran Human Rights s’est exprimé dans un tweet : "Unes par unes, la République islamique s’en prend à ses voix artistiques, musèle les voix dissonantes à travers l’emprisonnement voire pire."
Si ce n’est pas la première fois que le cinéaste est arrêté puis jugé, il s’agit de sa plus longue peine. A 52 ans, Mohammad Rasoulof a d’abord été arrêté en 2010 avec Jafar Panahi, un autre réalisateur iranien émérite pour "actes et propagandes hostiles à la République islamique d’Iran." Il est condamné à un an de prison – tout comme en 2017 et en 2019.
En juillet 2022, après avoir encouragé des manifestants suite à l’effondrement d’un immeuble ayant fait plus de quarante morts dans le sud-ouest de l’Iran, il avait signé avec plusieurs autres cinéastes iraniens une tribune pacifiste, "posez vos armes", dénonçant les violences envers les violences et la corruption. Tout cela avait mené à son arrestation et à celles de ses confrères Jafar Panahi et Mostafa Aleahmad.
Le cinéaste Mohammad Rasoulof arrêté en IranL'opinion internationale s’est mobilisée et a fait connaître sa désapprobation. Dans un communiqué de presse, le Festival de Cannes avait exigé leur libération :
"Le Festival reste et restera toujours le refuge des artistes du monde entier et se mettra sans relâche à leur service afin de porter haut et fort leurs voix, pour la défense des libertés de création et d’expression."
Mohammad Rasoulof avait été libéré temporairement en janvier 2023 pour des raisons de santé, mais était tout de même soumis à une interdiction totale de quitter le territoire. Aujourd’hui, il est donc condamné à huit ans de prison.
Dénonçant sans relâche la corruption en Iran et s’interrogeant sur l’exil, Rasoulof se fait remarquer sur la scène internationale avec Un homme intègre – vainqueur du prix Un Certain Regard au Festival de Cannes en 2017.
A cette époque, lors d’une interview accordée à Première, il avait déclaré au sujet de son film :
Mohammad Rasoulof : "Le cinéma iranien est une route et chaque cinéaste a sa propre voiture""La situation sociale qui est décrite est proche de la réalité cauchemardesque que nous vivons. Il faut montrer comment la structure en place influe sur la vie intime des individus."
Trois ans plus tard, il remporte l’Ours d’or au Festival de Berlin pour Le diable n’existe pas. "Un plaidoyer rageur et énervé tourné en clandestin, mais qui n’oublie pas d’être grandiose et romanesque" écrit-on à Première.
Depuis quelques années, la république islamique d’Iran a durci son régime théocratique, devenant plus sévère et répressive. Les dernières manifestations, à la suite de la mort de de Jina Mahsa Amini, 22 ans, décédée après son arrestation par la police des mœurs pour « infraction au code vestimentaire", ont fait l'objet de représailles de la part des autorités qui tentent d’étouffer la révolte.
Si certains intellectuels sont forcés à l’exil, d’autres restent au pays et risquent la prison. L’année dernière, l’actrice iranienne Taraneh Alidoosti a été arrêté pour avoir soutenu le mouvement de contestation "Femme, Vie, Liberté", et le réalisateur Saeed Roustaee a été condamné à six mois de prison pour avoir "contribuer à la propagande de l’opposition contre le système islamique" avec la projection de son film Leïla et ses frères sur la Croisette.
Pour le moment, le Festival de Cannes ne s’est pas exprimé sur la condamnation de Mohammad Rasoulof.
Cannes 2024 : 13 films ajoutés à la sélection, dont Le Comte de Monte Cristo avec Pierre Niney
Commentaires