Joint par téléphone, le réalisateur du sublime J’ai perdu mon corps n’est pas peu fier que son film soit nommé dans la catégorie Meilleur film d’animation.
Diffusé sur Netflix US depuis le 28 novembre dernier, J’ai perdu mon corps était de facto éligible aux Oscars. Sa nomination dans la catégorie Animation reste néanmoins un exploit face aux ogres américains Toy Story 4 et Dragons 3. Jérémy Clapin s’en explique, à chaud.
Ça représente quoi cette nomination aux Oscars pour vous ?
C’est fou ! Se retrouver aux Oscars avec un film d’animation pour adultes dont le titre est J’ai perdu mon corps et l’héroïne, une main coupée… Les gens, finalement, aiment cette diversité que le film incarne. L’accueil est très bon depuis le début mais être soutenu de cette façon, c’est merveilleux.
On sait qu’il ne suffit pas de faire de bons films pour se retrouver aux Oscars, il faut aussi participer à d’intenses campagnes de promotion sur place. Comment ça s’est passé pour vous ?
Depuis la présentation à Cannes, en mai dernier, nous avions cette campagne en tête. Les bons retours ont fait que Netflix et nous y avons cru de plus en plus. Dès le mois de juillet, la plateforme a énormément poussé le film à travers une succession d’étapes, de montagnes à franchir. Ça s’apparente un peu au Tour de France, avec des concurrents bien placés un jour, puis qui disparaissent avant de resurgir au dernier moment.
Pouvez-vous être plus explicite ?
Avec le producteur, Marc du Pontavice, nous avons fait quatre-cinq allers et retours à Los Angeles, des séjours d’une semaine à chaque fois pendant lesquels Netflix organisaient tout un tas de projections où étaient invités les membres des Oscars. On parlait du film avec eux et avec les médias présents. Nous sommes également allés occasionnellement à San Francisco et à New York pour participer à des événements où le film était projeté. La plus grosse difficulté est de donner envie aux votants de voir le film car ils sont sollicités de toutes parts.
Avez-vous poussé pour être présent dans d’autre catégories ?
On a essayé mais c’est très compliqué de sortir de la case Animation. Les gens ne pensent pas à considérer un film d’animation pour la musique, le montage, le scénario ou autres. Il y a quelque chose d’un peu trop automatique. C’est valable aussi pour les César.
Aux Oscars, en animation, ce sont en général les Américains qui gagnent à la fin. Pensez-vous néanmoins avoir une chance de remporter la statuette ?
On a peu de temps, à partir d’aujourd’hui, pour faire changer la perception des gens sur le film, pour leur montrer qu’il y a d’autres manières de faire de l’animation, mais on y croit !
Cette nomination, on imagine, est une aubaine pour monter votre prochain film.
Ce sera en effet plus facile. Au-delà de mon cas, j’espère que ça permettra à des projets différents d’attirer l’attention. Ce n’est pas évident d'estimer le potentiel d’un film d’animation, de le juger uniquement sur un pitch ou des illustrations. Il faut essayer de regarder la trajectoire de l’auteur, de définir un projet cohérent avec le producteur, que tout le monde aille dans le même sens artistique et accepte la singularité. Le marketing ne doit pas empiéter sur le créatif. Je suis pour ma part reconnaissant à Marc du Pontavice d’avoir cultivé cette différence. Si on veut faire de bons films d’auteur, il faut laisser de la place à l’auteur.
Le film est à environ 160 000 entrées en France. Cette nomination peut-elle revigorer sa carrière en salles ?
Nous avons la chance de faire partie des films inscrits au Festival cinéma Télérama qui se déroule du 15 au 21 janvier. Il va donc bénéficier d’une ressortie sur 200 copies pendant cette période. J’espère bien qu’il y aura un effet Oscar…
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