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L’art de la rupture et du changement de ton et de rythme est au cœur de cet A Chiara qui, après Mediterranea et A Chiara, le triptyque consacré par Jonas Carpignano à la petite ville calabraise de Gioia Taura. A Chiara s’ouvre en effet par une longue scène de fête familiale autour d’un anniversaire. Ca rit, ça crie, ça chante, ça danse. Dans le style caractéristique du cinéaste italien, abolissant les murs entre fiction et documentaire. Puis soudain, le silence se fait. Comme un KO debout où le monde extérieur semble ne plus exister. Chiara, cette ado de 16 ans qui donne son titre au film, apprend la soudaine disparition de son père. La joie fait place à la sidération puis au temps de l’enquête pour découvrir que ce dernier est membre d’un cartel mafieux de trafic de drogue. Mais là encore fausse piste : A Chiara n’est pas un film de mafia. Tous les crimes, toute la violence n’existent que hors champ. La caméra reste comme aimantée au visage bouleversé et bouleversant de son héroïne (Swamy Rotolo, saisissante) embarquée dans un récit initiatique à marche forcée où, en découvrant que toute sa famille sauf elle savait, elle va quitter le cocon de l’enfance pour écrire sa propre existence. Nulle trace ici de glauque appuyé ou d’émotion forcée, la fluidité de la mise en scène rejoint celle du récit et offre à cette trilogie son meilleur épisode, celui où jusque dans l’emploi de la musique (co- signée Benh Zeitlin, le réalisateur des Bêtes du Sud sauvage) Carpignano a su pousser au maximum le curseur de la fiction sans perdre cet ancrage solide dans la réalité.