Première
par Vanina Arrighi de Casanova
Il ne faut pas trop se fier au titre du nouveau film de J.C. Chandor. S’il se situe en effet à New York durant l’année la plus violente de son histoire, ce n’est ni un thriller sanglant ni un drame brutal. La violence ici est une simple donnée avec laquelle il faut composer. Le combat d’Abel Morales, un travailleur immigré désormais à la tête d’une société pétrolière, qui est attaqué à la fois par ses concurrents, des financiers et un procureur en campagne, ne se mène pas fusil au poing, bien qu’il soit ici beaucoup question d’armes (en avoir ou pas ?). Tout est alors affaire de compromis(sions) et de petits arrangements juridiques et moraux pour parvenir à hisser son entreprise à la hauteur de son ambition. Car l’enjeu pour ce personnage est de rester debout, mais surtout de rester droit face à des rivaux plus ou moins malhonnêtes, et de repousser doucement les limites de l’acceptable pour réussir sa vie sans y laisser son âme. Le combat de cet homme seul contre tous dans un monde vicié où règne la loi du plus fort, qui ne se règle pas en duels mais dans des discussions laborieuses, rapproche pourtant "A Most Violent Year du western". Un western new-yorkais feutré, héritier de Sidney Lumet ou de James Gray, shooté en jaune-orangé, où les manteaux en laine (que ne quittent presque jamais les superbes Oscar Isaac et Jessica Chastain) ont remplacé les cache-poussières. Un conte qui parle de l’Amérique, précisément celle du début des années 80 – les années fric – au fil duquel le réalisateur de Margin Call poursuit son obsession du capitalisme sauvage, de l’argent et de la manière dont il salit tout. Pas spectaculaire, mais passionnant.