Première
par Christophe Narbonne
Mountains may depart est un film étrange, qui commence comme un film de propagande soviétique neuneu sur la chanson « Go West » des Pet Shop Boys, façon ironique pour Jia Zhangke de dire que l’occidentalisation de la Chine est un mirage aux effets pervers. On le vérifie aussitôt avec l’héroïne, très proche du pauvre Lianzi et ébranlée par le retour du flamboyant Zhang qui lui retourne la tête. Elle choisit les dollars promis par ce dernier à une vie de labeur aux côtés du premier. Son fils est prénommé Dollar. Bonjour la subtilité… Ca continue avec un divorce à sens unique, qui se solde par le retour au pays en solitaire de cette pauvre Tao, décidément peu en veine puisque Lianzi, marié et papa, se meurt d’un cancer des poumons consécutif à son métier de mineur. La porte de la salle n’est pas loin, on hésite à sortir.
Puis, le film bascule lors des retrouvailles de Tao avec son fils de sept ans à l’occasion de l’enterrement du grand-père maternel. L’histoire devient alors celle de Dollar, gosse un peu triste qui a du mal à appeler « maman » cette étrangère aux nerfs fragiles. Le dispositif mis en place par Zhangke dévoile ses vraies intentions : il ne s’agit pas de faire le procès du capitalisme, mais une parabole sur la Chine d’aujourd’hui à travers le regard que porte Dollar, fruit de la mondialisation, sur Tao, pur produit local. Zhangke déplore la désagrégation des valeurs, le désamour national, le deuil des idéaux. Dans le dernier segment, admirable, situé dans un futur proche, il raconte l’exil, le malaise existentiel qui en découle, le manque de repères sur lequel il se construit. Dollar est grand, il ne sait plus qui il est. Une rencontre et son destin bascule. Ou pas. Pendant ce temps, Tao attend. Et nous, on retient notre souffle jusqu’au dernier plan, merveilleux.
Première
par Christophe Narbonne
Dans la première partie du film, Jia Zhangke souligne à l’encre rouge les effets pervers de la mondialisation. Tao choisit le capitaliste flamboyant et décomplexé plutôt que l’incarnation du vieux modèle socialiste. Elle a faux sur toute la ligne et se fait punir de la pire des façons : son fils, Dollar (hum), lui est enlevé lorsqu’elle divorce de Zhang. Fin du premier chapitre qui ne laisse augurer rien de bon... Le réalisateur adopte alors le point de vue de Dollar, devenu grand, et le projet du film se dévoile : l’argument socio-politique n’est là que pour servir un mélo d’une ampleur et d’une ambition folles, qui traite de filiation maudite et de solitude aliénante. La transposition de l’intrigue dans un futur déshumanisé, vision foudroyante de mélancolie du cinéaste démiurge, achève d’emmener cet Au-delà des montagnes vers des cimes d’émotion.