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Adapter, c’est trahir. Encore plus quand il s’agit d’un prix Goncourt récent très médiatisé. Et, dès les premières minutes de ce Chanson douce, on perçoit que Lucie Borleteau a décidé de suivre ce principe pour raconter la relation entre un couple avec deux enfants en bas âge et la nounou qu’ils ont engagée. Une perle rare dévouée et consciencieuse dont les réactions vont devenir de plus en plus angoissantes. La réalisatrice ne touche pas à l’ADN du roman de Leïla Slimani : une double réflexion sur les notions de maternité et de domination sociale – d’autant plus puissante qu’elle est exercée par un couple de bobos se pensant sincèrement à l’opposé de ce sentiment-là. Mais elle a choisi d’entraîner le récit vers le cinéma de genre, dans un parfait équilibre entre un thriller qui ne se déploie jamais vraiment tout à fait et un film réaliste perverti par l’atmosphère teintée d’horreur créée par le chef op Alexis Kavyrchine (La Douleur). Et pourtant, quelque chose ne fonctionne jamais tout à fait. Comme un vice originel de fabrication : un contresens sur celle qui incarne (pourtant impeccablement) cette nounou. Une comédienne ne déboule jamais neutre sur un écran. Et, avec ses rôles précédents, Karin Viard apporte d’emblée une certitude sur ce que va devenir son personnage, quand un visage plus angélique et doux aurait contribué à faire grandir le mystère. Comme si sa présence contredisait le climat tout en ambivalence que la réalisatrice essaie de construire et rendait attendues –donc banales – nombre de scènes censées hanter longtemps notre mémoire.