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Un film comme une succession d’obstacles à relever. Après son Lion d’Or pour L’Evénement, Audrey Diwan n’a pas choisi de se reposer sur ses lauriers en s’attaquant à Emmanuelle, le personnage créé par Emmanuelle Arsan et passé à la postérité au cœur des seventies quand Just Jaeckin s’en est emparé avec le triomphe en salles qu’on connaît. Autre temps, autres mœurs… On n’avait donc pas forcément anticipé son retour au cœur des années 2020, dans une époque post #metoo. La première gageure d’Audrey Diwan tient dans le pacte qu’elle entend passer d’emblée avec ses spectateurs : oubliez tout ce que vous savez d’Emmanuelle. La deuxième se situe dans son angle choisi pour raconter cette histoire : le parcours d’une femme à la recherche d’une jouissance sexuelle qui la fuit. Emmanuelle 2024 va donc jouer sur la frustration, sur l’impossibilité ou presque du plaisir, donnant par ricochet naissance à une atmosphère souvent glacée voire glaciale qui en laisseront beaucoup à la porte. Mais main dans main avec son interprète Noémie Merlant – une fois encore impressionnante – Audrey Diwan va au bout de ses parti pris, fuit toute concession, n’esquive aucune scène d’intimité sexuelle et reste toujours au plus près de cette femme se réappropriant son corps. Le tout aidé par le travail précieux à la lumière de Laurent Tangy, aussi convaincant quand il crée l’atmosphère de prison dorée du palace dans lequel évolue Emmanuelle que dans les scènes où elle s’en échappe pour tenter de retrouver l’homme qui, la fuyant, devient de plus désirable. Et il y a un panache certain dans ce geste clivant.