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Dans la psyché française - et cinéphile en particulier - l’idée même de la banlieue renvoie forcément à une terre sauvage et sacrifiée, lieu de tension explosive. Du pur fantasme petit-bourgeois (Athéna) au film à thèse respectable (Les Misérables), il existe bien des chemins de traverses, ceux empruntés récemment par Guillaume Brac et son Ile au trésor ou Alice Dop, le temps d’une errance sociologique le long de la ligne B du RER parisien (Nous). En cartographiant son film comme on regarderait un plan RATP où les lignes de couleurs affublés de lettres seraient les codes d’un plan secret et joyeux, Martin Jauvat poétise d’emblée sa traversée. « ... Ce qui a été longtemps considéré comme de pures constructions utilitaires s’est mis à ressembler à des signes venus d’un autre monde, ou à des énigmes archéologiques. », appuie le philosophe Aurélien Bélanger dans un texte associé à la présentation du film. Le Grand Paris du titre renvoie au serpent de mer qui verrait la capitale débarrassée de sa petite couronne et par voie de fait, de son gros nombril. Leslie et Renard, les deux protagonistes, se retrouvent en rade quelque part en Île-de-France. En explorant le chantier d’une future ligne du RER, ils tombent sur objet mystérieux et décident immédiatement de son caractère ancestral donc précieux, promesse d’un pactole à venir. Leslie et Renard croient en leur rêve et tels des Don Quichotte arpentent un territoire au gré de leurs rencontres. La menace du surplace est bien réelle mais la quête des personnages finit par devenir un peu la nôtre. Et puisqu’elle mène aux étoiles, on se dit qu’on a bien fait de prendre part au voyage.