Première
par Sylvestre Picard
Rarement on a vu chez Pixar film aussi droit-au-but, aussi direct et évident. Bien sûr, techniquement, c'est l'hallucination : le photoréalisme des décors est tout bonnement dingue, on a réellement l'impression que la caméra se balade dans les forêts des Appalaches, le contraste avec les personnages cartoon et souples est fort mais plutôt réussi (...) Mais on ne demande pas du réalisme fou à un film d'animation. Pas que. On lui demande du style (...) La baffe technique d'Arlo est aussi sa limite.
Le secret de la réussite des plus grands Pixar est moins à chercher dans le souci technique que dans la perfection du storytelling, de la science du récit (...) L'histoire d'Arlo est composée de déjà vu. Dès le premier acte Petite maison dans la prairie avec le papa fort et sentencieux qui enchaîne les phrases fortune cookie, on sait où le film va nous emmener et comment il va se terminer. Et pour arriver à sa conclusion, Arlo va enchaîner une série de rencontres mal cousues, qui donnent l'impression de voir le work in progress. Certaines scènes sont même complètement absurdes. Le passage avec le dinosaure clodo Collectionneur est un grand moment (...) On ne verra plus ce personnage de tout le film. Une rencontre qui dure, qui dure et qui sert à quelque chose au fond (donner un nom au petit humain) mais qui laisse penser que le film est une succession de saynètes écrites sur des post-its collés au milieu de l'odyssée d'Arlo. Une scène, une épreuve, un bonus, et on continue.
(...) Arlo va de toutes façons faire un triomphe ; il se consomme facilement, sa finalité est absolument évidente, son message totalement limpide ("affronte ta peur et tu deviendras grand", à comparer avec la superbe subtilité de Vice Versa qui aura laissé de nombreux enfants sur le bord du chemin), sans jamais de second degré ni de sous-entendus. Et, très peu accessoirement, les dinosaures font vendre (coucou Jurassic World). Les quelques plans sublimes à la fin, qu'on ne spoilera pas, ne changent pas l’impression d’ensemble. Vite consommé, vite oublié, Le Voyage d'Arlo rappelle que Pixar est capable du meilleur et du moins bon.