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Un bon film de journalistes, comme un bon film de sous-marin ou un bon film de base-ball, doit obéir à certaines règles. On veut y voir des gens intelligents, en bras de chemise, bosser jusque tard dans la nuit en se nourrissant de pizzas froides et de bières tièdes. Il faut un personnage de rédac chef sévère mais juste, des deadlines incompressibles, des vies privées qui foutent le camp, des téléphones qui crépitent sans cesse, le cliquetis ininterrompu des claviers dans la salle de rédaction en surchauffe, puis ces moments où l’enquête piétine avant qu’un témoin décisif, genre Gorge profonde, ne surgisse de nulle part et donne le tuyau essentiel qu’on n’attendait plus ; et aussi, tant qu’à faire, une bonne scène d’intimidation, où un édile corrompu et visqueux menace le reporter valeureux dans un bar d’hôtel, un bourbon à la main. Il faut enfin que les journalistes en question œuvrent pour une cause noble, une cause juste – faire tomber un dirigeant qui a menti au peuple (Les Hommes du Président), révéler les magouilles de l’industrie du tabac (Révélations) ou, comme ici, pointer du doigt les salopards qui ont violé des mômes en toute impunité pendant des décennies. On n’est pas là pour regarder des types remplir la rubrique des chiens écrasés (ou rédiger des critiques de films…). Une fois que ces éléments sont réunis, c’est encore mieux si la quête fiévreuse de la vérité ressemble à un thriller. À du cinoche du samedi soir qui laisse les mains moites. Spotlight a reçu le message cinq sur cinq et coche méthodiquement les cases. Sans surplomb ironique, sans distance postmoderne, en recherchant plutôt l’essence classique du genre, qui remonterait, disons, à Bas les masques (1952), de Richard Brooks où Humphrey Bogart combattait la Mafia avec sa machine à écrire. L’auteur du film, Tom McCarthy, est l’un des hommes les plus insaisissables du cinéma US. Acteur à ses heures, scénariste du Là-haut de Pixar, réalisateur d’un pilote de Game of Thrones refusé par HBO ( !), il a sans doute beaucoup réfléchi au rôle du "quatrième pouvoir" en interprétant un journaliste dans la saison 5 de The Wire, qui décortiquait les rapports entre presse, police et pouvoir politique, à Baltimore. Il trouve en tout cas ici la distance parfaite entre le film à suspense et le fi lm-dossier, entre le plaisir et la colère, l’entertainment et l’indignation. Dans une scène du film conçue comme une profession de foi, le rédac chef taiseux joué par Liev Schreiber, alors qu’il relit un article, sort son stylo rouge et raye un mot. Un seul. Sans relever les yeux, il marmonne : "Encore un adjectif." Spotlight, à sa façon, est un film "sans adjectifs". Conscient qu’il n’a pas besoin de frimer pour sonner juste. Sincère et intègre, nécessaire et suprêmement divertissant : une ode à la presse papier qui procure la même ivresse qu’un article bien troussé (et bouclé dans les temps, coco !, NDLR).
Toutes les critiques de Spotlight
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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(...) une générosité, une intelligence et un souci de sobriété qui en font une évidente et indéniable réussite.
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L’information se passera bientôt d’encre et de papier, et Spotlight est, en plus d’un éloge, une élégie à ce qui fut l’âge d’or du journalisme.
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Spotlight s'inscrit dans la grande tradition américaine des films d'enquête journalistique comme Les Hommes du président (1976), chef-d'œuvre d'Alan J.Pakula sur l'affaire du Watergate. Et ce film de Tom McCarthy, cinq fois nommé aux Oscars, se révèle tout aussi passionnant.
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S'il semble évident que Tom McCarthy n'est pas un immense cinéaste, son thriller-hommage au métier de journaliste n'en demeure pas moins passionnant (...)
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On ressort du film ébranlé par les révélations, mais aussi admiratif devant le travail des journalistes et leur détermination à dévoiler la vérité.Spotlight est de ces films qui redonnent de l'espoir. Ils ne sont pas si nombreux.
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L’académisme de McCarthy, cette même simplicité d’approche qui rend si bien service à son écriture, se traduit avec nettement moins d’impact sur les aspects visuels. De la mise en scène à la photographie, Spotlight ressemble plus à une fiction télévisuelle qu’à un grand film à Oscars.
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Spotlight remporte l’adhésion par la puissance de son sujet et la profession de foi indéniable de tous ses participants.
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Basé sur une histoire vraie, le film se suit comme un polar haletant grâce à ses rebondissements et ses personnages servis par des acteurs de haut vol.
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Manches retroussées, téléphone collé à l'oreille, les comédiens multiplient les morceaux de bravoure, les scènes électrisantes. Ils rivalisent d'aisance et de charisme en incarnant des figures diverses et passionnantes (...)
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Tous sont au service d’un scénario précis et de dialogues millimétrés. Aussi longue soit-elle, l’enquête s’étire sur douze mois, jamais on ne s’ennuie. Et sans fusillade, ni courses poursuites, ni cascades. Un exploit dans le cinéma d’ajourd’hui.
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Entre le polar et le film-dossier hyper didactique, ce drôle d’objet anachronique surprend ainsi par son classicisme épuré, son souci de sobriété, qui tient à distance l’emphase, la pompe et tous les effets spectaculaires que charriait son sujet controversé.
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Thriller épuré, aux scènes cliniques et au suspens quasi glaçant (...)
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(...) le film de Tom McCarthy offre un éclairage sur le quotidien des journalistes, sans glamour mais avec la force d'un documentaire.
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Si leurs échanges sont captivants de bout en bout, c’est que le récit est conduit avec autorité, les scènes sont filmées au plus juste, et les acteurs sont parfaits : Mark Ruffalo et Michael Keaton en tête, avec une mention pour les apparitions de Stanley Tucci, excellent dans son rôle d’avocat.
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(...) Michael Keaton est définitivement revenu de sa traversée du désert. Après le triomphe l'année dernière de Birdman, le voici dans le passionnant Spotlight (...)
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par Julien Gester
Sa mise en scène précise, sobre jusqu’à une certaine atonie, cultive une ligne claire néanmoins inspirée çà et là : discrets décadrages qui redoublent les convulsions de l’investigation, stratégie d’appréhension du décor comme révélateur très sûr des ressorts politiques, vifs entrelacs de scènes liées entre elles par un montage affûté.
Spotlight est une oeuvre dont la modestie fait le charme et l'intérêt. Rien n'est surdramatisé ni outrageusement glorifié, tout y est à sa place, à commencer par les comédiens, dont la sobriété vaut le déplacement
Si la narration est un peu conventionnelle, l’interprétation, essentielle, s’appuie sur l’excellent jeu de Keaton et Ruffalo qui sont servis par des dialogues brillants.
Servi par d'impeccables acteurs (de Michael Keaton à Mark Ruffalo, en passant par l'excellent John Slattery, le génial Roger Sterling de "Mad Men), Tom Mc Carthy signe un film très sobre, parfois austère, mais particulièrement haletant.
Le réalisateur américain restitue avec respect et minutie les différents rebondissements d’une histoire stupéfiante et complexe, qui tient en haleine jusqu’au bout grâce à une interprétation au cordeau.
Ils peuvent toujours y brûler un cierge pour qu’un Academy Award salue à sa juste mesure cette éthique du travail bien fait, d’où le journalisme ressort gagnant ; le cinéma, lui, un peu moins.
Si la mise en scène de Tom McCarthy n’éblouit jamais, son film a au moins le mérite, de plus en plus rare, d’avancer en ligne droite et d’un pas soutenu, pour se maintenir avec classe sous la barre des deux heures.
Certes passionnant, mais la passion peut tourner à la monotonie – surtout lorsque l’essentiel des scènes se déroule dans des bureaux et derrière des ordinateurs. Tom McCarthy, déjà repéré pour certains films décalés, gagne ici en efficacité ce qu’il perd en humanité.