Première
par Sylvestre Picard
Wonder Woman est une réussite
DC a enfin réussi à appliquer la formule Marvel à un de ses superfilms.
Si, comme l'auteur de ces lignes, vous aimez Man of Steel et Batman V Superman : L'Aube de la justice (précisons tout de même : la version longue), vous savez aussi à quel point il peut être compliqué d'aimer ou tout simplement de défendre les productions Warner/DC dans un univers de supercinéma dominé par Disney/Marvel. Il y a des problèmes bien plus graves (comme par exemple défendre Suicide Squad -hé, le début n'est pas si mal) mais c'est un peu la tarte à la crème de la critique cinéma des films de superhéros des années 2010 : on le sait, Marvel a l'avantage -the edge comme disent les Anglo-Saxons- de connaître une formule facilement applicable à tous leurs films de superhéros qui les rendent, au pire, consommables et très honnêtement divertissants (voir le récent Doctor Strange). Mais the edge, cela signifie aussi le fil de l'épée, par définition à double tranchant. Une formule rassurante qui ne prend pas de risques. C'est un peu ce que réussit à accomplir Wonder Woman.
Snyder avait introduit avec succès la superhéroïne dans le dernier acte de L'Aube de la justice le temps d'une scène de baston ébouriffante : le personnage étant déjà déringardisé, il n'y avait plus qu'à raconter son histoire. Voici donc Diana, fille de Zeus himself, princesse des Amazones semi-immortelle de l'île cachée de Themyscira, précipitée dans la Première guerre mondiale pour vaincre le dieu de la guerre Arès. Le premier tiers du film nous fait donc découvrir la société des Amazones, guerrières caparaçonnées façon science fantasy comme dans Thor de-chez-Marvel-en-face. L'irruption de l'espion américain Steve Trevor sur l'île va emmener Diana -Gal Gadot,charismatique et décidée- en Europe. Et le film de dérouler un storytelling classique jusqu'à son combat final contre le boss Arès. Ce classicisme narratif et visuel est donc the edge de Wonder Woman, le fil de son épée (emprunté aussi à Captain America : First Avenger pour le côté rétrohéroïque) : aucun moment consternant comme dans Suicide Squad, une production design costaude et des scènes de baston post-Matrix extrêmement efficaces qui arrachent même des cris de joie au public.
Evidemment, l'importance de Wonder Woman est qu'il s'agit du premier film de superhéroïne en solo réussi (pas dur quand la concurrence s'appelle Catwoman ou Elektra), réalisé par une femme (Patty Jenkins fait du bon boulot, classique et solide -the edge, encore une fois). Mais son féminisme n'a rien à voir avec celui du comics d'origine, où Diana se battait constamment pour les droits des femmes face à la société patriarcale. Ce combat n'est pas réellement l'objet du féminisme de Wonder Woman version 2017, qui est un féminisme accompli : Diana et Steve sont sur un pied d'égalité, ils se complètent l'un l'autre avec une efficacité constante. Wonder Woman n'est pas le récit d'un empowerment : Diana est déjà badass à crever, elle n'est pas non plus une oie blanche qui débarque dans rien connaître de la vie, tout comme Steve (Chris Pine, parfait comme toujours) n'est pas un gros beauf irrespectueux. Armé de cette dynamique homme-femme équilibrée, complémentaire, Wonder Woman n'agit donc qu'indirectement sur le terrain de la revendication. Mais sa simple existence -et son succès critique et public aux Etats-Unis- est d'importance. Captain Marvel, le superfilm féminin de Marvel avec Brie Larson, n'arrivera qu'en 2019. DC a récupéré the edge.