Cette vidéo troublante démontre qu’aujourd’hui la technique et les effets-spéciaux supplantent l’imaginaire. Et peuvent réécrire le cinéma.
Après Jim Carrey remplaçant Jack Nicholson dans une poignée d’extraits de Shining, voilà que c’est au tour d’Al Pacino "d’effacer" Robert De Niro dans un autre film culte, Taxi Driver. Si vous n’avez pipé mot, c’est que la notion de "deepfake" est encore étrangère pour vous. D’abord utilisée de manière fictive dans Starship Troopers 3 en 2008, cette technique d'hypertrucage a été popularisée il y a environ trois ans dans certaines vidéos pornographiques incrustant des visages de célébrités sur des corps de personnes faites de chair et de sang. Désormais, cet effet spécial est utilisé pour truquer des vidéos moins destinées aux adultes. Comme ce petit malin de Ctrl Shift Face (on appréciera l'ironie du pseudo), un YouTubeur basé en Slovaquie, qui depuis quelques temps s’amuse à remplacer des acteurs iconiques par d’autres qui le sont tout autant, les implantant dans quelques chefs-d’œuvres inscrits dans l’inconscient collectif et la culture populaire.
Le dernier en date ? Al Pacino, remplaçant son compère de toujours Robert De Niro dans le classique Taxi Driver. Le YouTubeur remixeur a choisi quelques scènes cultes du film de Martin Scorsese datant de 1976 pour les remanier à sa sauce. L’introduction enfumée par les bouches de métro new-yorkaises (sur laquelle Ctrl Shift Face appose la musique de… Scarface), l’entraînement du antihéros principal, Travis Bickle, à coup de pompes et de tractions ou encore la mythique scène culte du "You’re talkin’ to me ?" ("C’est à moi qu’tu parles ?"). Et le moins que l’on puisse dire, comme pour le "deepfake" avec Jim Carrey (et d’autres disponibles sur la chaîne YouTube du serial vfxer), c’est que le résultat est saisissant. Mais également sidérant, fascinant, troublant voire carrément terrifiant.
Car si le concept de "deepfake" reste pour l’instant quelque chose de fun, propre au divertissement, quid de la finalité de cette technique de trucage ? Tout apparaît désormais comme falsifiable. Qu’en est-il du jour où les gros studios (et leurs moyens financiers conséquents) s'empareront de cette technologie ? On pourra réécrire des chefs-d’œuvres, ressusciter des acteurs décédés (ça a déjà été fait d’ailleurs, maladroitement à l’arrivée, avec Peter Cushing et Carrie Fisher dans Rogue One : A Star Wars Story), déconstruire totalement la mythologie du cinéma. Quand nos arrières, arrières petits-enfants viendront nous parler de Jim Carrey dans Shining, de Sylvester Stallone dans Terminator 2 : Le Jugement Dernier, d’Al Pacino dans Taxi Driver et pourquoi pas Robert De Niro dans Scarface ou Kev Adams dans Drive… Un cours d’histoire du cinéma façon Père Castor ne sera pas de trop.
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