Première
Le Royaume n’a rien d’un conte de fées. Son intrigue a beau se dérouler dans un cadre idyllique (la Corse), s’ouvrir par une rencontre qui flirte avec le mystique (les retrouvailles entre une adolescente, Lesia et son père Pierre- Paul, chef de clan), et suivre les règles de la tragédie (le destin de bandit auquel nul bandit n’échappe), elle frappe d’abord et avant tout par son réalisme. En adoptant le point de vue de l’adolescente, témoin d’une histoire qui lui échappe en permanence (pourquoi son père est-il traqué ? qui est- il vraiment et à quoi pense-t-il ?), Le Royaume se démarque du film de gangsters traditionnel. Le maquis devient la toile de fond d’une relation père-fille, et la violence de ces vies se retrouve décadrée, comme mise sur le côté pour laisser plus de place au film familial intimiste. Un été pour nouer une relation, des souvenirs que l’on sait uniques au moment où on les crée. En cavale, Pierre- Paul apprend à Lesia à chasser ou se grimer pour passer une nuit au camping ; il n’est pas un père comme les autres mais essaie de faire comme si. Au final, le film sculpte le portrait de ce bandit impénétrable et charismatique, à l’aura renforcée par le regard que lui porte sa fille. D’une scène de pêche dans la rivière à un monologue en voiture, ses différents faits et gestes montrent concrètement la vie de ces hommes qui ont embrassé la voie criminelle, avec tous les dommages collatéraux que ça implique : la mort qui rôde, une fille que l’on ne verra pas grandir. Co- écrit par Jeanne Herry, Le Royaume est une réussite majeure.
Nicolas Moreno