Héritage littéraire, conte fantastique et nouvelle franchise potentielle : Daniel Radcliffe est en terrain connu dans Docteur Frankenstein. Se serait-il résolu à vivre avec le spectre de Harry ?
Fin 2015, Première rencontrait Daniel Radcliffe pour parler de Docteur Frankenstein, une adaptation libre du classique de Mary Shelley, réalisée par Paul McGuigan, où il donnait la réplique à James McAvoy. Nous republions cet entretien à l'occasion de la rediffusion du film, ce vendredi sur TF1 Séries Films.
Première : Des films comme Kill Your Darlings ou Et (beaucoup) plus si affinités nous avaient fait parier notre chemise que vous en aviez fini avec le fantastique. Il semble bien qu’on ait perdu une chemise...
Daniel Radcliffe : Je suis désolé, parfois je ne mesure pas tout à fait les conséquences de mes actes. (Rire.) Mais c’est vrai, j’ai replongé en quelque sorte et, le plus étrange, c’est que je ne suis toujours pas un aficionado d’épouvante ou de fantasy. Comme l’écrasante majorité des gens qui connaissent Frankenstein, je n’ai pas lu le livre. Je n’ai pas des goûts de geek, je préfère lire des choses plus enracinées dans la société. Vous parlez de Kill Your Darlings : on pourrait dire que je suis plus Allen Ginsberg que Mary Shelley, si vous voulez. J’aime les postulats narratifs dingues, les sous-textes psychologiques tordus.
Mais, justement, un mythe tel que celui de Frankenstein est bâti sur un postulat dingue et un sous-texte psychologique tordu...
Absolument, c’est sûrement pour ça que je finis toujours par revenir aux fantômes et aux châteaux gothiques. Ils permettent de faire passer des idées casse-gueule auprès du grand public. Regardez Horns : une enquête criminelle menée par un jeune type cornu, ce serait quand même dom- mage de louper ça parce que je re- fuse le fantastique ! C’est pour cette raison que, même si je m’excuse de vous avoir fait perdre votre pari, je ne m’excuse pas auprès de ceux qui ont râlé dès l’annonce de Docteur Frankenstein. Oui, c’est encore un film sur Frankenstein, mais come on ! Ces gens-là devraient se douter qu’on vise autre chose que les frissons bon marché. Pas question de rivaliser avec cette foutue Annabelle ou autres machins censés vous faire tomber de votre fauteuil.
L'épisode de Harry Potter que Daniel Radcliffe ne veut pas revoir
On a l’impression que le film repose avant tout sur votre relation compliquée avec James McAvoy. Tout Kill Your Darlings ou Horns portaient déjà sur les rapports ambigus que vous aviez avec d’autres stars.
Avec James, on a fonctionné comme dans un buddy movie retors qui opposerait le docteur à Igor, l’assistant fébrile que j’interprète. C’est vrai que l’expérience m’a rappelé le boulot avec Dane DeHaan dans Kill Your Darlings : un type charismatique se confronte à son double plus vulnérable. Fonctionner en binôme me fait un bien fou. Mais quand vous avez joué un héros éponyme de saga, le drame c’est qu’on s’acharne à bâtir des films sur votre seul nom. J’adore La Dame en noir mais, franchement, tourner en rond en solitaire dans un manoir a été une expérience plutôt rasoir...
"Seul le temps permettra de faire oublier Harry"
Partager le haut de l’affiche, c’est aussi un moyen de fondre Harry dans le décor une bonne fois pour toutes ?
Non, je ne crois pas à cette idée-là. Il ne suffira pas d’un film pour faire oublier Harry, seul le temps le permettra. Chercher à tout prix le contre- emploi miracle qui me réinventera subitement, ce serait une illusion. Je le répète à mes amis acteurs : si vous vous retrouvez dans une saga, assumez-le.
Mais vous leur conseillez tout de même de réfléchir à deux fois avant de faire ce choix ?
Au contraire, je les encourage à signer ! Il y a deux types de franchises : d’abord, celles qui se contentent de capitaliser sur un succès, sans se soucier d’élever le niveau à chaque volet. Celles-là meurent le jour où le public décroche. Ensuite, il y a celles qui s’engagent auprès du public. Quand vous avez prévu d’enchaîner sept épisodes de Harry..., chaque film doit être irréprochable pour permettre au suivant d’exister. De ce point de vue, Harry Potter et Le Seigneur des anneaux ont vraiment changé la donne. Auparavant, les suites à gogo pouvaient se permettre d’être pourries.
Mais pour vous les acteurs, le fardeau n’est-il pas lourd à porter ?
Il faut être malin. Prenez Channing Tatum, il s’est dégoté deux « petites » franchises, 21 Jump Street et Magic Mike. Elles n’ont rien à voir l’une avec l’autre et attirent donc deux publics très différents, comme pour faire passer un message : « Channing, c’est le colosse un peu balourd de 21 Jump Street, mais c’est aussi son exact opposé. » En fin de compte, ces licences élargissent son panel au lieu de le rétrécir. C’est pour ça que le public le suivra partout et qu’il peut bosser avec des producteurs qui acceptent de perdre une poignée de millions pour ses beaux yeux. (Rire.)
Vous aimeriez aussi vous retrouver dans des projets « à risques » ?
Oui, j’adorerais jouer dans des comédies musicales old-fashioned, moi qui m’époumone tout seul chez moi en écoutant Sufjan Stevens ! (Rire.) Mais je reconnais que c’est plus facile à dire qu’à faire. Dans le règne des franchises, si un projet coûte moins de 100 millions de dollars, les producteurs estiment qu’il n’est pas assez rassembleur et passent au suivant. Enfin, Dieu merci, j’ai déjà trouvé ma franchise à succès depuis longtemps, alors maintenant je peux papillonner un peu et tremper dans des histoires d’enquêteurs cornus ou dans des buddy movies gothiques. Je ne regrette donc rien.
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