Françoise Hardy au cinéma, de 8 femmes à Wes Anderson

La chanteuse de "Message personnel" est décédée, à 80 ans. Sa mélancolie a inspiré de nombreux cinéastes.

Thomas Dutronc a annoncé hier soir sur ses réseaux sociaux la disparition de sa maman, Françoise Hardy. Elle s'est éteinte à 80 ans des suites d'un cancer du larynx, une maladie douloureuse qu'elle avait publiquement évoquée, s'engageant même dans le combat pour l'euthanasie.

François Hardy a avant tout marqué l'histoire de la musique française, grâce à ses mélodies mélancoliques, de "Tous les garçons et les filles", au début des années 1960, à "Message personnel" en passant par "Le Temps de l'amour" ou "Comment te dire adieu". Devenue également une icône de la mode dès ses premiers succès musicaux, elle signe en tout début de carrière pour quelques apparitions au cinéma. D'abord dans Château en Suède (1963), de Roger Vadim, un drame familial adapté d'une pièce de Françoise Sagan, où elle incarne la femme de Jean-Claude Brialy, personnage secondaire et pourtant crucial dans l'histoire.

Dans les années suivantes, elle apparaît dans une poignée de films français, par exemple Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, ou Si c'était à refaire, de Claude Lelouch, mais aussi dans des productions étrangères, des films italiens (Altissima Pressione, d'Enzo Trapani) ou en anglais, notamment dans la scène finale de Quoi de neuf, Pussycat ?, de Clive Donner, une comédie écrite par Woody Allen ou dans Grand Prix, de John Frankenheimer. S'il s'agit souvent de petits rôles, sa présence y est tout de même assez magnétique pour qu'elle soit célébrée en dehors de nos frontières.

En 1976, quand Lelouch choisit de la faire apparaître à la télévision en train d'interpréter "Femme parmi les femmes", observée par le personnage de Catherine Deneuve, la scène évoque au passage l'amitié entre le cinéaste français et l'artiste : ils se connaissaient déjà depuis des années, puisque c'est déjà lui qui l'avait filmée sur un manège pour le clip (enfin, le scopitone) de "Tous les garçons et les filles".

Les expériences d'actrices de Françoise Hardy sont cependant assez peu nombreuses, puisque dès les années 1970, elle a préféré revenir à la chanson... à l'inverse de son compagnon, Jacques Dutronc, qui a lui multiplié les rôles à partir de 1975.

Le spleen chanté par Françoise Hardy a inspiré des cinéastes de toutes les générations et nationalités. L'exemple le plus marquant est sans doute François Ozon, qui a rythmé Gouttes d'eau sur pierres brûlantes (2000) par son titre allemand "Träume", et qui a bien sûr ému 3,5 millions de spectateurs dans les salles françaises en 2002, en proposant à Isabelle Huppert d'interpréter "Message personnel" au piano. Pour lui rendre hommage, le cinéaste français - qui a par ailleurs pu réaliser son rêve, en 2018, en étant choisi par Françoise Hardy pour mettre en scène son clip "Le Large" - a partagé justement un extrait de ce film culte :

Dans "Le Large", François Ozon filmait un adolescent fan de la chanteuse et de son univers. Une idée venue de sa propre fascination pour Hardy au cours de sa jeunesse. Il n'était pas le seul : en 2003, David Bowie révélait sur le plateau de l'émission française Trafic.musique, de Guillaume Durant, avoir été "passionnément amoureux d'elle", et ce "depuis très longtemps". Une archive 100% musicale qui vaut le détour :

Au fil des ans, on a pu entendre de nombreux morceaux de Françoise Hardy au cinéma et dans des séries, aussi bien en France qu'à l'étranger. Par exemple "Le Premier bonheur du jour" dans Vénus Beauté (Institut), "L'Amitié" dans Les Invasions barbares, "Voilà" dans The End of the F*** World, "Tous les garçons et les filles" dans Innocents : The Dreamers, "Mon amie la rose" dans Fête de famille ou Vortex, "Comment te dire adieu" dans L'Ombre d'Emily ou "Il voyage", au sein de Killing Eve...

Quant au "Temps de l'amour", il est aujourd'hui indissociable de Moonrise Kingdom (2012), de Wes Anderson : au cœur de cette œuvre sur l'adolescence, la chanson a également été utilisée tout au long de sa promotion, dans ses teasers et bandes-annonces. Dans un registre tout aussi romantique, Hugo Gélin s'en est inspiré pour sa rom-com très réussie Mon inconnue (2019), avec Joséphine Japy et François Civil.

Sans oublier les reprises, comme celle d'"Une miss s'immisce" par Exotica, qui a marqué les spectateurs de Juste la fin du monde (2016), de Xavier Dolan.

Il y a deux ans, Arte avait conçu un Blow-Up spécial "Françoise Hardy au cinéma". Un beau montage dédié à celle qui a chanté la mélancolie humaine comme personne.