"Je veux ouvrir un espace où l'on pourrait parler, librement, d'une sexualité plus épanouissante", explique la réalisatrice.
How to Have Sex, le premier film de la chef-opératrice Molly Manning Walker, n'a cessé de faire du bruit depuis sa présentation à Cannes, en mai 2023, d'où ce film traitant de l'éveil à la sexualité d'une ado et ses deux copines en vacances en Crète est reparti avec le Prix Un Certain Regard. Depuis, sa réalisatrice a fait le tour des festivals pour le présenter au public, prenant soin en particulier de le montrer à des jeunes spectateurs, afin de débattre ensuite avec des lycéens ayant le même âge que ses protagonistes.
"Si la première partie emprunte des chemins convenus (les teufs, l'alcool, les néons des clubs, le désir qui monte et les corps à moitié nus qui se reniflent), How to Have Sex prend une toute autre ampleur quand le film aborde enfin son vrai sujet et s'intéresse de façon subtilement lucide au consentement et aux zones grises, écrivait Première à sa sortie, soulignant la force de ce premier film de parvenir à explorer son sujet sous tous les angles, tout en étant incarné par une comédienne bluffante de justesse. La noirceur s'installe et la caméra n'a alors d'yeux que pour Mia McKenna-Bruce, surdouée de 26 ans, quasi inconnue au bataillon. Sa capacité à passer en une seconde de la tristesse profonde à la joie absolue lui donnent des airs de Florence Pugh dans Midsommar (les deux comédiennes, qui n'ont pourtant absolument pas du tout les mêmes traits, se ressemblent étrangement sur certains plans). Le visage poupon de l'actrice devient le théâtre de questionnements vertigineux sur la liberté (sa virginité lui appartient-elle vraiment ?) et la pression sociale autour du sexe."
Cette semaine, How to Have Sex est arrivé en France en DVD, blu-ray et VOD, sous la bannière de Condor Films, et cette sortie coïncide avec la mise en place outre-Manche de diffusions du film dans les écoles du secondaire. Son distributeur anglais, Film4, a en effet signé un partenariat avec Mubi et le School Consent Project pour que cette œuvre s'intéressant à la question du consentement soit montrée en priorité à un public jeune, afin d'organiser ensuite des débats sur ce sujet.
Molly Manning Walker's #Film4-backed film, #HOWTOHAVESEX to be shown in secondary schools across England & Wales as part of the @scpconsent’s lawyer-fed workshops educating young people about sex & consent following a partnership between @mubiuk & the @scpconsent. pic.twitter.com/gjJ7yqYqdD
— Film4 Productions (@Film4Production) February 26, 2024
Une idée défendue par Molly Manning Walker, qui explique dans une interview à l'AFCAE (l'Association Française des Cinémas Arts et Essai) avoir justement conçu son film pour faire naitre des discussion plus libres à propos de la sexualité.
A la question : "qu'espérez-vous comme réaction chez le public et, particulièrement, chez les jeunes ?", la réalisatrice répond :
"Avec mes collaborateurs, nous avions organisé des groupes de paroles à travers le Royaume-Uni, divisés en deux – filles et garçons – afin de lire certains extraits du scénario et de recueillir leurs réactions. Certains ont lu la scène de l’agression et nous ont dit « mais ce n’est pas une agression ! » et à un moment donné, une fille a même dit « Il faut que les filles assument leurs responsabilités et ne se saoulent pas comme ça ». D’un autre côté, plusieurs jeunes, filles comme garçons, se sont mis à parler de leurs agressions parfois pour la première fois car ils voyaient qu’ils étaient en lieu sûr pour le faire et s’apercevaient qu’ils n’étaient pas seuls dans leur cas.
Au bout du compte, nous étions encore plus convaincus qu’il était capital de faire ce film : nous devions aborder la complexité de la pression sociale en matière de sexualité et montrer que nous sommes un produit de cet environnement afin d’esquisser de nouvelles pistes d’avenir pour que la jeune génération se sente moins seule. Après les quelques projections qui ont eu lieu jusqu’à présent, je me rends compte que les jeunes filles sont très émues et me remercient d’avoir traité de ce sujet complexe et important à leurs yeux. Cela reste encore compliqué pour les garçons, souvent ils ne restent pas lorsqu’il y a un échange avec le public à la suite du film. J’espère que cela va changer.
Même les réactions de nombreux journalistes hommes à Cannes m’ont surprise : ils évoquaient l’alcool pour excuser les agressions ou le fait que Tara ne dise pas non, la responsabilité à leurs yeux semblait partagée… Nous n’avons pas représenté les agressions d’une manière violente ou excessive, mais réaliste.
Je souhaite, avec ce film, ouvrir un espace où l’on pourrait parler, librement, d’une sexualité plus épanouissante et de susciter un débat, notamment avec les jeunes, sur les moyens d’y parvenir."
En bonus du DVD français, une présentation du film par Molly Manning Walker est proposée, évoquant justement en détails la question du consentement. On peu aussi voir son premier court métrage : Good Thanks, You ? (2019) et ouvrir la réflexion avec une interview d'Iris Brey, journaliste et réalisatrice (Sex and the Series, Le Regard féminin, une révolution à l'écran...). Des suppléments qui permettent d'approfondir les questions complexes développées avec brio dans How to Have Sex, un film important sur l'adolescence et pour les adolescents.
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