Avant d’être le deuxième film de Norton Brooklyn Affairs était un roman, Les Orphelins de Brooklyn, qui installa Jonathan Lethem comme l’un des écrivains new-yorkais les plus pop. Présentations.
Brooklyn Affairs n’est pas seulement un polar fifties bien cadré et bien éclairé, un joli film "dans la lignée de L.A. Confidential" comme disent les culs de bus parisiens. C’est d’abord une adaptation (donc une belle trahison) des Orphelins de Brooklyn de Jonathan Lethem. En France ce nom n’est pas très connu, mais aux US, il s’agit d’un auteur en vue. C’est avec ce polar publié juste avant le nouveau millénaire que Lethem explose sur la scène littéraire. A l’époque, il a à son actif quatre romans, mais celui-là sera le bon.
Des prix (dont le prestigieux National Book Critics Circle Award), des lecteurs (beaucoup) et un succès international : on découvrait enfin le talent de ce jeune écrivain new-yorkais. On découvrait surtout son terrain de jeu. Entre S-F, polar et aventure, Lethem est un écrivain de la pop culture. Avec son air de ne pas y toucher, il utilise les conventions du genre, de tous les genres, pour mieux les pulvériser, et avec beaucoup d’humour s’amuse à détourner les codes, au point qu’on ne parvient pas toujours à distinguer l’hommage du second degré.
Prenez ces Orphelins de Brooklyn par exemple. Le livre oscille entre la chronique, le polar à la Chandler et la folie Tex Avery. La Forteresse de solitude, son magnum opus, publié un peu plus tard, était un roman-rock total, une fresque street-life de l’Amérique sur fond de Dylan et de Brian Eno. C’est drôle, bourré de références qui filent le tournis aux lecteurs, mais ça ne suffit pas à faire des bons livres – ça se saurait.
L’autre force de Lethem, c’est sa compréhension du récit, ses arabesques narratives virtuoses et ses jeux de langages : entre absurdité et érudition - LE créneau postmoderne – il s’amuse et bâtit des cathédrales de mots qui le posent quelque part aux côtés de David Foster Wallace (l’héritier du maître Pynchon) ou du génial et azimuté Michael Chabon. Ses règles d’or : créativité, feel good et importance de la forme autant que du fond. Avec toujours des personnages extraordinaires.
7 rôles schizos d’Edward Norton avant Brooklyn AffairsC’est précisément ça qui avait séduit Norton : "Ce qui m’a tout de suite plu dans le roman c’est Lionel. Jonathan m’avait un jour confié que l’histoire n’était qu’un prétexte pour imaginer et faire vivre ce personnage, ce détective privé atteint du syndrome de la Tourette. Je l’ai tout de suite adoré : c’est un type brillant, mais que la maladie isole. Tourette est un handicap, mais c’est aussi une force qui l’amène à se surpasser. J’aimais le paradoxe qui constitue le personnage : il est seul, abandonné, mais c’est un dur, un type malin, bien plus intelligent que ses potes. Il est victimisé, mais ce n’est pas une victime !"
C’est effectivement comme cela que Lethem conçoit ses personnages : comme ses intrigues. "Lionel n’était pas basé sur des recherches ou un intérêt pour la psychologie. Expliquait-il au moment de la sortie des Orphelins de New-York. Tourette était une métaphore de la condition humaine, compulsive, abîmée. Mais ça m’intéressait surtout pour concrétiser une de mes obsessions littéraires. Il y a toujours des jeux de mots joyciens dans mes livres et certains personnages bégaient, parlent trop vite ou de manière incompréhensible. Lionel me permettait de synthétiser cela."
Et de jouer avec les codes, les langages et les images. Comme dans tous ses livres.
Brooklyn Affairs sort en salles le 4 décembre.
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