Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
AMANDA ★★★★☆
De Mikhaël Hers
L’essentiel
Mikhaël Hers filme le deuil d’un jeune homme comme une étape majeure de son entrée dans l’âge adulte. Grande partition.
Coïncidence : le mois dernier sortait sur les écrans le très sensible Nos batailles de Guillaume Senez. L’histoire d’Olivier (Romain Duris), quitté par la mère de ses enfants et soudainement contraint d’endosser les responsabilités d’un père célibataire. Le départ de sa femme était en partie réparé par un chœur féminin qui allait l’aider à renaître. Duris y apparaissait plus saisissant que jamais. Le même dispositif d’apprentissage est à l’oeuvre dans le troisième film de Mikhaël Hers (Memory Lane, Ce sentiment de l’été), dévoilant, lui aussi, un Vincent Lacoste inédit.
Anouk Féral
PREMIÈRE A ADORÉ
THE MUMBAI MURDERS ★★★★☆
D’Anurag Kashyap
C’est l’histoire d’un SDF qui tue un peu au hasard dans le Bombay populaire à coups de démonte-pneu. C’est l’histoire d’un flic beau gosse, corrompu et bling-bling, qui sniffe sa coke sur l’écran de son iPhone.
Sylvestre Picard
GAME GIRLS ★★★★☆
De Alina Skrzeszewska
Elle hurle dans la rue. Termine ses phrases d’un « bitch » de ponctuation. Teri s’apprête à aller chercher sa bien-aimée Tiahna qui sort de prison. Les deux amoureuses sont au coeur de Game Girls, deuxième film de la documentariste polonaise Alina Skrzeszewska. Elle y explore une nouvelle fois le quartier de Skid Row à Los Angeles, qui concentre la plus grande population sans domicile fixe des Etats-Unis. Par le biais de ses héroïnes, opposées et délirantes, qui font du film un récit décousu mais intense, la réalisatrice montre le poison de la privation et de la pauvreté sur la psyché. Et, parallèlement, dépeint, à la bonne distance, l’inexorable tourbillon qui pousse des femmes malmenées par la vie à se laisser glisser dans ce lieu de perdition où malgré la misère, l’entraide agit comme un pansement.
Perrine Quennesson
PREMIÈRE A AIMÉ
LES BONNES INTENTIONS ★★★☆☆
De Gilles Legrand
Le réalisateur Gilles Legrand (L’Odeur de la mandarine) est futé : avec ce titre programmatique, il déjoue toutes les critiques éventuelles sur son film qui, de facto, dénonce « les bonnes intentions » tout en les encourageant. Il est allé jusqu’à confier le rôle principal à Agnès Jaoui, archétype de l’artiste engagée, qui joue une bourgeoise surinvestie dans l’humanitaire, au point de négliger sa famille. Une comédie dramatique un peu méta, donc, qui ironise affectueusement sur les bobos et leurs lubies humanistes, « idiots utiles » du progressisme social. L’abattage de Jaoui, d’Alban Ivanov (en prof d’auto-école ronchon et opportuniste) et des acteurs méconnus qui les entourent ne suffit pas tout à fait à masquer les facilités du scénario, mais contribue largement à le rendre divertissant.
Christophe Narbonne
YOMEDDINE ★★★☆☆
De A. B. Shawky
Beshay, lépreux guéri mais défiguré par les stigmates de la maladie, quitte sa léproserie de toujours pour rechercher sa famille qui l’a abandonné à sa naissance. À partir de ce pitch très simple, l’Égyptien A. B. Shawky signe un road-movie placé sous le signe de la dignité. Interprété par l’incroyable Rady Gamal, lui-même atteint de cette maladie, le héros n’est jamais filmé de façon complaisante par la caméra de Shawky, qui en fait un véritable personnage de cinéma, décidé, risque-tout, tragique, jamais défini par son handicap mais par son désir d’avancer et de comprendre. La longue séquence où il partage – avec le petit orphelin nubien qui le suit partout – le quotidien d’une bande d’éclopés solidaires fait partie de ces jolis moments d’un film simple (pas simpliste) et tendre, qui fuit le misérabilisme pour s’attacher à l’humain, rien que l’humain.
Christophe Narbonne
AFTER MY DEATH ★★★☆☆
De Kim Ui-seok
Voilà un film sombre, vénéneux, triste comme le coeur d’une adolescente sud-coréenne (Jeon Yeo-bin) qui verrait soudain tout s’effondrer (ses amours, sa vie sociale, ses études...) au point de vouloir s’effacer complètement. After My Death est le premier long d’un jeune cinéaste de 35 ans qui impose d’emblée un sens aigu de la mise en scène et assume la noirceur de son propos. On pense au meilleur du cinéma de Gus Van Sant pour cette capacité d’injecter une insidieuse douceur charnelle au coeur d’un univers sinistré et cloisonné. Le cadre, resserré autour d’une poignée de collégiennes qui se demande bien pourquoi l’une d’entre elles s’est suicidée, ausculte avec une acuité assez flippante les maux d’une jeunesse sud-coréenne plombée par la culture de la réussite, de la compétition et du poids des traditions. Un premier film impressionnant de maîtrise.
Thomas Baurez
ÁGA ★★★☆☆
De Milko Lazarov
D’une beauté écrasante, le film du réalisateur Milko Lazarov raconte une vie en autarcie rythmée par la routine du quotidien. Chasse, pêche, artisanat, dépeçage d’animaux et légendes ancestrales au coin du feu... Nanook et Sedna, couple d’Iakoutes vieillissants, coulent des jours heureux isolés en pleine toundra sibérienne. Mais leur quiétude est troublée par l’attente du retour tant attendu de leur fille Ága qui les a quittés pour la civilisation. Si le style documentaire évoquant forcément Nanouk, l’Esquimau et la quasi-absence de dialogues pourront en freiner plus d’un, cette histoire familiale tragique prend tout son sens dans son acte final inattendu et déchirant. L’enfer blanc est pavé de bonnes intentions. De larmes, de non-dits et de regrets aussi.
François Rieux
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
MAUVAISES HERBES ★★☆☆☆
De Kheiron
Kheiron poursuit dans la veine autobiographique de son excellent premier film, Nous trois ou rien, qui racontait la fuite et l’installation de ses parents iraniens en banlieue parisienne. Dans Mauvaises herbes, il décrit cette fois ses années d’éducateur auprès d’enfants en décrochage scolaire.
Christophe Narbonne
LES FILLES DU SOLEIL ★★☆☆☆
De Eva Husson
Le danger du « film nécessaire », c’est de lester sa plume de si nobles intentions qu’elles en deviennent embarrassantes. Le « au cas où vous n’auriez pas compris » se substitue au commentaire elliptique, pas de place pour la nuance. Il y a de ça dans les dialogues surlignés entre Bahar, chef d’un bataillon féminin kurde en lutte contre Daesh, et Mathilde, journaliste française venue couvrir ses exploits. Ce didactisme (et le dénouement, lourdement raté) a valu au film d’être éreinté à
Cannes où il payait le prix de sa sélection discutable en compétition. Avec le recul, Les Filles du soleil ne méritait pas tant d’opprobre. Le soin apporté à l’image et aux scènes d’action est réel, et l’interprétation habitée de Golshifteh Farahani en combattante dépressive mérite tous les superlatifs.
Christophe Narbonne
TERRA FRANCA ★★☆☆☆
De Leonor Teles
Pour son premier long métrage, la portugaise Leonor Teles dresse, au fil de quatre saisons, le portrait d’un pêcheur qu’elle connaît depuis sa plus tendre enfance. Un portrait protéiforme qui tient tout à la fois de la chronique sociale (le matériel du pêcheur est saisi car il a jeté ses filets sans le savoir dans une zone classée depuis peu réserve naturelle) que familiale (l’organisation du mariage de sa fille aînée). Il y a énormément de délicatesse dans la manière dont la cinéaste accompagne le quotidien de cet homme et sa volonté d’esquisser par petite touches la photographie la plus précise possible de qui il est et qu’il l’entoure. Mais à force de fuir toute forme de dramatisation, son Terra Franca finit peu à peu par susciter l’ennui, oubliant de tendre la main vers le spectateur pour un résultat dont la cérébralité finit presque par résonner comme un contresens par rapport à la promesse de départ. Et tient en tout cas trop à distance de cette pourtant très belle histoire de transmission.
Thierry Cheze
L’ENFANCE D’UN MAÎTRE ★★☆☆☆
De Jeanne Mascolo de Filippis et Bruno Vienne
L’Enfance d’un maître retrace le parcours atypique de Kalou Rinpoche, grand maître lama tibétain d’une trentaine d’années, élevé dans la plus pure tradition bouddhiste depuis son plus jeune âge. Le documentaire dévoile les doutes d’un jeune homme aux lourdes responsabilités, choisi sans qu’on lui ait laissé le choix, à qui l’enfance a été volée, et qui s’émancipe peu à peu des traditions. À l’aide d’images d’archives et d’interviews, Jeanne Mascolo de Filippis et Bruno Vienne signent le portrait étonnant de cette figure éminemment moderne du bouddhisme. Visuellement, le documentaire ne saurait rivaliser avec les magnifiques fresques que sont Kundun de Martin Scorsese et Little Buddha de Bernardo Bertolucci, qui traitent du même sujet. C’est le principal reproche que l’on peut adresser à L’Enfance d’un maître, qui ne bénéficie peut-être pas de la meilleure exposition au cinéma
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
OVERLORD ★☆☆☆☆
De Julius Avery
La veille du Débarquement, une escouade de paras américains est chargée de détruire une antenne radio située dans un petit village normand. Sauf qu’en fait d'antenne radio, il s'agit d'un labo secret où un scientifique pratique des expériences bien dégueu... Le plan d'attaque d'Overlord est simple : ajouter des zombies affamés à un canevas de film de guerre WW2. Sur le papier, on est partants, sauf que le résultat est curieusement peu divertissant et ne fonctionne ni sur le terrain du film de guerre ni sur celui du film gore, et donc surtout pas dans le mélange des deux. Overlord est interminable, bourré de clichés qui ralentissent l'action, aussi chiche en action qu'en effets gore -car le film ne travaille ni l'ellipse ni le hors champ, trop subtils pour son script et son découpage balourds. C'est dommage de voir une série B d'action/horreur ne pas accomplir sa principale mission -nous divertir. On regrette d'autant plus la disparition de l'adaptation cinéma des jeux vidéo Wolfenstein que le très doué Roger Avary (Les Lois de l'attraction) devait réaliser en 2012. On ne saura jamais si cet hypothétique Wolfenstein aurait été mieux que cet Overlord-là, mais il y avait au moins la promesse d'un bon cinéaste aux manettes.
Sylvestre Picard
Et aussi
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Hard Eight de Paul Thomas Anderson
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