« Pour un premier essai de réalisateur, Clooney assure comme un maître », écrivait Première en juin 2003, avec la star en couverture.
A la fin des années 70. Chuck Barris, animateur de plusieurs émissions à succès diffusées à la télévision américaine, mène une carrière époustouflante. Sa notoriété lui vaut d'être à la fois adulé par les téléspectateurs et dénigré par les principaux médias. Mais en secret, et depuis un certain temps déjà, Chuck travaille pour la CIA comme tueur professionnel. En effet, au tout début de son ascension dans le monde de l'audiovisuel, il a été contacté par un agent, qui lui a demandé de bien vouloir collaborer avec les services secrets. Les années passent, et Chuck se sent de plus en plus désorienté, déchiré entre sa façade publique et les actions qu'il mène dans l'ombre, dures et sanglantes..
Si la véracité des dires de Chuck Barris n'a pu être totalement vérifiée, le film qui est tiré de sa vie, Confessions d'un homme dangereux, est un projet qui a intéressé plein de stars avant que George Clooney ne s'en empare : Ben Stiller, Sean Penn, Johnny Depp... En 2003, c'est finalement l'ex-star d'Urgences qui l'a dévoilé au public, avec Sam Rockwell dans le rôle-titre. Il s'agissait du premier long métrage de Clooney en tant que réalisateur, et Première avait tellement aimé le résultat qu'il avait été choisi pour faire la couverture du numéro de juin.
A l'occasion des 20 ans de ce premier film réussi, nous republions notre critique complète.
George Clooney va adapter Le bureau des Légendes aux États-UnisSchizobiographie. Dans une chambre d’hôtel de New York, un homme nu se repasse le film de sa vie : ses débuts d’imposteur honteux dans les années 50, jusqu’à ce qu’il devienne riche en inventant des jeux télévisés d’une vulgarité extrême. Parce qu’il a du mal à assumer cette célébrité, il s’invente une double vie : tueur à gages international. Avec le temps, il perd ses boulots, sa raison et ses proches : une espionne imaginaire qu’il croyait aimer et une vraie amie qu’il trompait sans arrêt.
Adaptation, encore. On ne pouvait imaginer plus approprié que Charlie Kaufman, le scénariste le plus en vogue à Hollywood (Adaptation, Dans la peau de John Malkovich) pour adapter le roman schizobiographique de Chuck Barris. Dans ses confessions écrites, Barris affirme sérieusement avoir été tueur pour la mafia en dehors de son boulot régulier de producteur télé. Est-ce vrai ? Peu importe. Dans le film, Kaufman ne cherche pas à marquer la différence entre les faits (la carrière météorique de l’inventeur de la télé réalité) et le mythe (les meurtres, le commanditaire joué par George Clooney, la Mata Hari jouée par Julia Roberts). Pourtant, quelques indices distinguent les deux mondes : seul Barris passe de l’un à l’autre sans entraves. Les autres personnages restent cha-cun dans le leur et n’interfèrent pas les uns avec les autres. Ce qui laisse au spectateur la liberté d’interpréter.
L’hypothèse la plus vraisemblable est que Barris s’est créé une double vie pour libérer son sentiment de culpabilité. Incapable d’assumer les violentes critiques dont il est l’objet (on l’accuse de se faire de l’argent en exploitant les tendances les plus vulgaires), il accepte l’idée qu’il mérite d’être puni. Il s’imagine donc en personnage odieux et, dans ce domaine, ne trouve rien de plus irréfutable qu’un tueur.
Du même coup, cette personnalité imaginaire lui donne aussi des excuses pour justifier son incapacité à s’engager avec la fille qui l’aime sincèrement. « Je ne peux pas m’engager, se dit-il, parce que j’ai un lourd secret dans lequel je ne veux pas l’impliquer. »
Pour un premier essai de réalisateur, Clooney assure comme un maître, s’accordant quelques fioritures stylistiques (l’illustration des différentes décennies) qui s’oublient facilement, tant il colle à l’histoire. Comme souvent lorsqu’un acteur est aux commandes, les interprètes ont la part belle. Sam Rockwell transpire, éructe et s’agite avec une démence qui sied bien à ce personnage autodestructeur. Drew Barrymore n’a jamais été aussi bonne que dans ce rôle d’amoureuse patiente et tragique. Clooney a-t-il senti lui aussi le besoin de se fustiger en se donnant le rôle du recruteur pousse-au-crime ? Son père était lui-même réalisateur de jeux télévisés.
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