DR

Notre avis sur le film de Bertrand Bonello

Des jeunes antisystème sillonnent Paris pour poser des bombes. Ils finiront retranchés dans un grand magasin, pris d’assaut par les forces spéciales.

Des gamins parisiens, des hommes en noir surarmés, une enceinte close où vient régner la mort... Impossible de voir Nocturama sans qu’interfèrent des images survenues après sa création : celles du Bataclan (le film devait s’appeler Paris est une fête, comme le livre emblème de l’après-13 Novembre) ; celles de Nuit Debout (un mot d’ordre qui aurait aussi fait un bon titre). Ces résonances provoquent des émotions d’une grande complexité, que d’aucuns réduiront en prêtant à Bonello l’intention d’un manifeste. Mais s’il fait preuve d’un indéniable cran politique, Nocturama ne tracte pas et ne justifie rien. Le film reste un pur geste artistique, visionnaire, hanté par un futur imminent qu’il contemple avec courage.

Une autre utopie

Question de philo : l’ultralibéralisme contraint-il les enfants à la violence ? Question de physique : à quel degré de pression un groupe social finit-il par exploser ? Ces brûlants points d’interrogation, Bonello les trace du regard, en filmant la ville aimée avec colère, un lieu de loisirs comme un tombeau, un terroriste comme un consommateur, un tueur comme un tué. Et inversement. Nocturama est son film le plus aventureux. Un champ d’expérimentation où son formalisme se salit à la HD et où son auteurisme vient se frotter au genre, dans une tentative de mixer l’Antonioni de Zabriskie Point et l’espionnage façon Jason Bourne (les vingt premières minutes, ballet de déplacements silencieux dans le métro), le Carpenter d’Assaut et le huis clos teenage à la Breakfast Club. Ça casse parfois. Mais quand ça passe, Nocturama atteint une forme de fulgurance synthétique. On s’agace par moments de voir Bonello, quadra biberonné à la culture seventies, plaquer sur la génération Z ses références culturelles. Pourtant, c’est en ne démordant pas à filmer d’où il vient – cette époque où l’on a cru au romantisme de l’action politique violente – qu’il donne finalement mieux à voir l’impasse de cette illusion. Et peut imaginer, le temps d’un play-back sur My Way, une autre utopie, transclasse, trans-générationnelle et transgenre, qui l’innocente du nihilisme dont il sera très certainement accusé.

Nocturama de Bertrand Bonello est en ce moment en salles.