Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
OCEAN’S 8 ★★★☆☆
De Gary Ross
L’essentiel
Un gang de filles redonne un coup de fouet à une franchise endormie.
Honnêtement, la franchise Ocean ne nous manquait guère. Car après le carton d’Ocean’s eleven, le savoureux remake de L’inconnu de Las Vegas avec la joyeuse bande de Clooney, Pitt et consorts, ses deux suites ont eu tendance à méchamment ronronner pour ne finir par provoquer qu’un vague sentiment d’ennui entre deux sourires. Mais voilà qu’un gang de filles débarque pour lui donner un second souffle. Thierry Cheze
PREMIÈRE A ADORÉ
HÉRÉDITÉ ★★★★★
De Ari Aster
Derrière la virtuosité exaltante du plan-séquence qui ouvre Hérédité, se dessinent les contours du personnage central joué par Toni Collette. Alors qu’elle vient de perdre sa mère, Annie Graham construit pour une galerie d’art des modèles réduits inspirés de sa propre maison, recréant des scènes de sa vie familiale. La séquence incite naturellement à se demander ce qui peut pousser cette mère de famille à ce genre d’activité maniaque, sinon le besoin de se persuader qu’elle contrôle sa propre vie? Comme si elle avait l’intuition du contraire, que son destin lui échappait au profit de forces qui la dépassent. La suite confirmera cette dernière hypothèse avec une rigueur implacable et terrifiante…
Gérard Delorme
3 JOURS À QUIBERON ★★★★☆
D’Emily Atef
1981, Romy Schneider a 42 ans. Aux prises avec ses démons existentiels et ses addictions, elle fait une cure à Quiberon avec une amie d’enfance. Cette période est dure : son fils la rejette, elle vient de divorcer et connaît des problèmes d’argent. Elle accepte pourtant de recevoir dans cet hôtel breton le photographe Robert Lebeck et le journaliste Michael Jürgs, du magazine Stern, pour ce qui se révèlera être sa dernière interview en allemand. Emily Atef (L’étranger en moi, Tue-moi) reconstitue avec habileté ces quelques jours en compagnie de l’actrice - incarnée par Marie Bäumer, troublante de ressemblance -, grâce aux 600 clichés jamais publiés que Lebeck himself lui a confiés. Mais la cinéaste a beau filmer la star versant vie privée, sans fards, jouant de l’accordéon dans un bar de marins, la clope au bec et le rire rustique, son aura d’étoile écorchée persiste. La proximité ne fait pas éclater le halo magnétique qui la ceint, au contraire, elle l’augmente. C’est que Romy appartient au petit cercle des stars aussi envoutantes qu’envoutées. Plus Marilyn que jamais, elle altère malgré elle son entourage, tour à tour souveraine et enjôleuse. Incapable de vivre cachée (donc heureuse), elle entretient avec les médias une relation d’amour-haine incarnée par ses rapports avec Lebeck et Jürgs auxquels, dans un double mouvement, elle donne et reproche tout. Evidemment on pense aux films de Sautet, qui filma si bien la Romy solaire et sensuelle ; mais aussi à la brèche immense révélée par L’important c’est d’aimer, où Romy apparaissait éreintée. La mort rôde. Peu après cette interview, l’actrice disparaitra.
Anouk Féral
SICILIAN GHOST STORY ★★★★☆
De Fabio Grassadonia et Antonio Piazza
Révélés avec Salvo (2013), Fabio Grassadonia et Antonio Piazza poursuivent leur voie singulière avec ce film qui brouille plus que jamais les frontières entre stylisation et réalisme. L’histoire (vraie) retrace le calvaire d’un adolescent kidnappé et retenu pendant deux ans par la mafia pour faire pression sur le père informateur. Mais la fiction fait irruption sous la forme d’une amoureuse de l’écolier, qui refuse le silence et la résignation des adultes pour se lancer à la recherche du disparu. Tous les moyens sont bons, y compris ceux de l’esprit. C’est là où le film rejoint un procédé cher à Guillermo del Toro, qui consiste à soulager les vivants des réalités trop dures en recourant à la mythologie. C’est le cas ici, où les deux adolescents se réfugient dans un univers imaginaire qu’ils définissent parfois par écrit, d’autres fois sous formes de dessins. Inspirés de légendes locales, et chargés de significations symboliques, les prairies, lacs ou forêts leur servent de lieux de rendez-vous où ils se retrouvent en pensée. Les transitions entre la réalité et le fantasme sont invisibles, grâce à une mise en scène sobre et juste, qui se garde bien de céder à la tentation de la surstylisation. En Sicile, le fait divers dont le film s’inspire est dans toutes les mémoires, mais pour ceux qui ne le connaissent pas, l’horreur du dénouement est à la limite du supportable. Mais il vient à point pour réaffirmer que le salut peut se trouver dans l’imagination.
Gérard Delorme
PREMIÈRE A AIMÉ
DÉSOBÉISSANCE ★★★☆☆
De Sebastian Lelio
Avant de réaliser le remake américain de son film Gloria avec Julianne Moore, Sebastian Lelio (Une femme fantastique) se fait la main en adaptant le roman de Naomi Alderman, La désobéissance, avec deux autres stars de dimension hollywoodienne, Rachel Weisz (également productrice du film) et Rachel McAdams. Un premier film en anglais pour le réalisateur d’origine chilienne, mais une prolongation logique de l’étude d’un de ses sujets de prédilection : le couple interdit, désapprouvé par le reste du monde. Ici « les autres » c’est la communauté juive orthodoxe de Londres, rompue aux dogmes religieux, animée par une foi souveraine mais aussi par une nette résistance à l’évolution contemporaine des mœurs. Quand le rabbin Rav meurt, sa fille Ronit, réfractaire à ce monde dont elle s’est détournée, revient pour ses obsèques. Elle revoit Dovid et Esti, ses amis d’enfance désormais mariés et très pieux. Ce retour va pulvériser leur bel équilibre en réactivant l’attirance irrépressible entre Ronit et Esti, autrefois planquée sous le tapis au nom de la bien pensance. Ces retrouvailles vont les contraindre tous trois à une mutation morale. Si celle des femmes est relativement classique (assumer son identité profonde), la trajectoire de Dovid, le mari trompé, est plus captivante. Alors qu’il doit être intronisé rabbin, les remous lesbiens de sa femme vont le plonger dans un dilemme où ses certitudes d’homme saint vont être ébranlées. Mis en scène avec épure et tension, ce drame psychologique procure tous les frissons du feu sous la glace.
Anouk Féral
POROROCA – PAS UN JOUR NE PASSE ★★★☆☆
De Constantin Popescu
Quand l’enfant disparaît… Tel pourrait être le sous-titre de ce troisième long métrage du roumain Constantin Popescu, dont le travail reste méconnu en France, à l’exception de sa participation au film collectif Contes de l’âge d’or, en 2009. Car tel est bien – à l’image, l’an passé, de Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev ou Mon garçon de Christian Carion - le drame angoissant que va vivre le couple de trentenaires, au centre de ce récit. Lui travaille dans une entreprise de téléphone, elle comme comptable. Ils ont deux enfants et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où, lors d’une promenade dans un parc, leur petite fille disparaît. Le début d’une descente aux enfers et aux confins de la folie. Le point de départ de l’implosion de cette cellule familiale unie. A l’écran, cette disparition soudaine donne lieu à un grand moment de cinéma. Un plan séquence de 20 minutes qui place le spectateur dans la peau de ce père de plus en plus paniqué. Avec donc d’emblée la certitude que Popescu ne traitera pas ce sujet – en partie inspiré par une douloureuse histoire personnelle – par le seul prisme de l’émotion basique mais en faisant du cinéma. Popescu ne déviera jamais de cette ligne à travers une mise en scène ambitieuse et une nécessité absolue d’étirer le récit à 2h30 pour raconter tout à la fois le chagrin, la rage, la honte de cet homme face à cette poignée de secondes d’inattention qui font que plus jamais rien ne sera comme avant dans sa vie. L’ensemble se révèle impressionnant et étouffant à souhait avec ce sentiment permanent que ses défauts - ces inévitables longueurs ressenties devant l’écran – nourrissent ce qui en fait sa puissance et sa singularité
Thierry Cheze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
LE CERCLE LITTÉRAIRE DE GUERNESEY ★★☆☆☆
De Mike Newell
Phénomène littéraire de 2008, Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates s’intéresse à une jeune écrivaine en panne d’inspiration. Nous sommes juste après la fin de la Seconde guerre mondiale et Juliet Ashton, tout comme le Royaume-Uni et le reste du monde, tente de panser ses blessures. C’est la lettre d’un mystérieux membre du Club de Littérature de Guernesey, créé durant l’occupation, et un voyage sur l’île qui attiseront à nouveau sa créativité. Mike Newell, Donnie Brasco et un Harry Potter au compteur, signe une adaptation bien sage et filmée comme un téléfilm de la BBC de cette histoire un peu cousue de fil blanc. Mais l’observation des blessures de guerre à l’échelle de cette micro-société qu’est l’île de Guernesey donne cependant du corps à cette bluette, portée avec conviction par Lily James.
Thierry Cheze
MADAME FANG ★★☆☆☆
De Wang Bing
Entre deux documentaires-fleuve (le dernier, Les Âmes mortes, présenté à Cannes, durait huit heures !), Wang Bing a signé ce doc minimaliste qui suit la lente agonie de Fang Xiyujing, une sexagénaire chinoise atteinte de la maladie d’Alzheimer. On est partagé devant le voyeurisme du “spectacle” de cette souffrance (Mme Fang est longuement filmée en gros plan, l’œil vide et la bouche ouverte, le corps de plus en plus décharné) et le potentiel de fiction des personnages qui se succèdent au chevet de la malade (le fils aimant, les voisins persifleurs…). Une curiosité.
Christophe Narbonne
MIDNIGHT SUN ★★☆☆☆
De Scott Speer
Si vous n’aimez pas le mélo, passez votre chemin. Car Scott Speer (Sexy dance 4) n’y va pas avec le dos de la cuillère dans ce remake d’un film japonais, Taiyō no Uta, réalisé en 2006 et resté inédit en France. Une histoire d’amour a priori impossible entre une ado de 17 ans atteinte d’une maladie génétique qui la prive de toute exposition à la lumière du jour sous peine d’en mourir et le garçon qu’elle observe depuis sa tendre enfance et qui la fait fondre. Ce garçon qu’elle croise pour la première fois une nuit où elle sort chanter près d’une gare et qui, instantanément sous son charme, va tout faire pour la revoir et entamer une love story… sans savoir son secret. Alors oui, il y a de la guimauve dans cette romance adolescente qui joue au premier degré avec le symbole du premier amour si fort et si essentiel qu’il vous consume de l’intérieur et de l’extérieur. Mais Speer a le mérite de ne pas tourner autour de son sujet pour jouer au petit malin. Il y va fort dans le mélo et sans renouveler ou dynamiter le genre, il le respecte et évite nombre de facilités lacrymales toujours gênantes, aidé en cela par Bella Thorne, une Disney star comme Britney Spears et Justin Timberlake, qui, depuis la fin de la série Shake it up dont elle était l’héroïne, mène rondement sa barque entre ciné, télé, musique et mannequinat. Avec une redoutable cinégénie.
Thierry Cheze
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