L’actrice explique avoir été agressée par le producteur et malmenée par le réalisateur.
A la mi-octobre, alors que l’affaire Weinstein venait d’éclater, Uma Thurman révélait qu’elle avait elle aussi des choses à dire sur le producteur, mais qu’elle ne voulait pas parler "sous le coup de la colère". Quelques semaines plus tard, elle souhaitait un joyeux Thanksgiving à tous ses followers sur Twitter, "sauf pour toi Harvey, et tous tes vicieux conspirateurs - je suis contente que tout ça prenne du temps - tu ne mérites pas une balle."
Uma Thurman à Harvey Weinstein : "Tu ne mérites pas une balle"
La star de Pulp Fiction et Kill Bill, deux productions d’Harvey Weinstein réalisées par Quentin Tarantino, a parlé ce week-end au New York Times, détaillant les raisons de sa colère. Elle révèle avoir elle aussi été victime d’agressions sexuelles de la part de son producteur, et ajoute qu’elle en veut également au cinéaste, pour l’avoir malmenée sur le tournage de leur dernière collaboration, en 2003. "J’ai dit que j’étais en colère, mais j’avais surtout peur d’éclater en sanglots. (…) Mon ressenti envers Harvey est très compliqué, car je me sens terriblement mal en pensant à toutes ces femmes qui ont été agressées après moi. (…) Je le connaissais bien avant qu’il ne m’attaque. On passait des heures à parler de projets, il me complimentait, acceptait mes idées. Ça a dû jouer sur le fait que je n’ai pas su décrypter les signes. C’était mon champion. Il ne me chouchoutait pas, mais il m’aidait à trouver les rôles et les réalisateurs qui étaient bons pour moi. Je ne me sentais pas menacée. Je le trouvais hors normes, un peu comme un oncle excentrique."
Uma Thurman décrit ensuite véritablement ses agressions, en soulignant qu’il s’agissait du même "modus operandi" que les autres victimes du prédateur sexuel. Après le succès de Pulp Fiction, en 1994, le producteur lui a demandé de la rejoindre dans sa chambre d’hôtel parisienne pour discuter d’un scénario, puis a tenté de l’attirer dans son sauna. "J’étais là, vêtue de cuir noir (en bottes, pantalon et veste) et il y avait de la vapeur partout. Il faisait très chaud, je lui ai dit que c’était ridicule, je lui ai demandé ce qu’il fabriquait. Mais il commençait à s’exciter, à sauter partout, alors j’ai fui."
Affaire Weinstein : Quentin Tarantino admet qu'il "savait" pour le producteur
Quelque temps plus tard, elle a à nouveau été attaquée, toujours dans un hôtel, à Londres. "Là, il m’a fait tomber au sol, il a essayé de me déshabiller, puis de se déshabiller pour me montrer son sexe. Il a fait tout un tas de choses déplaisantes, mais il n’a pas essayé de me forcer à quoi que ce soit. Je me sentais comme un animal tentant de s’échapper, en me faufilant comme un lézard."
Après cette agression, Harvey Weinstein lui a envoyé des roses, avec une note disant qu’elle avait "de bons instincts". Elle a tenté de le contacter pour le confronter, mettre les choses au clair, mais explique que ses assistants ont tout fait pour éviter le conflit et faire en sorte qu’elle reste sous la coupe de son producteur. Il clamait que c’était un malentendu, elle est restée sur ses positions, lui disant : "Si tu fais ce que tu m’as fait à d’autres femmes, ta carrière sera finie. Tu perdras ta réputation, ta famille." Leur conversation l’aurait alors mis hors de lui et il l’aurait menacée de tuer sa carrière. Actuellement en thérapie, Weinstein a réagi via un représentant en confirmant "qu’elle lui avait très certainement dit ça", mais qu’il ne l’avait pas menacée et qu’il avait toujours trouvé qu’elle était une excellente actrice. Il considère qu’au moment de "l’affaire du sauna", ils avaient "une relation de travail mélangeant fun et flirt". "M. Weinstein reconnaît qu’il a tenté d’avoir une relation sexuelle avec Mme. Thurman à Londres, après avoir mal compris ses signes à Paris. Il s’est immédiatement excusé."
L’actrice considère de son côté que ces deux événements l’ont amenée à se méfier du producteur. Si elle continuait à avoir des projets au sein de son studio Miramax, elle évitait tout rendez-vous personnel avec lui. Elle pense aussi que les tensions entre elle et Harvey Weinstein ont eu un impact sur sa relation créative avec Quentin Tarantino, qui était au courant de ces agressions, et en a même parlé avec son producteur en 2001, lors d’une soirée au festival de Cannes. Le réalisateur, qui préparait alors Kill Bill, a vu que l’actrice était très froide avec Harvey Weinstein, et ils ont fini par en discuter. Celui-ci a fait pour la première fois de vraies excuses à la comédienne. "J’ai été surprise, 16 ans après, mais ok. Il s’est excusé."
Uma Thurman révèle ensuite que c’est justement sur le tournage de Kill Bill qu’elle a perdu toute confiance en Quentin Tarantino. Ironie du sort, c’est en filmant cette histoire de femme forte se vengeant des hommes -et des femmes- qui l’ont violentée, qu’elle a été malmenée par le cinéaste. Notamment lors d’une scène où le personnage de Michael Madsen crache sur la Mariée avant qu’un jeune ne tente de l’étrangler avec une chaîne, c’est le réalisateur qui s’est "chargé" de le faire. Une anecdote qui en rappelle une autre : sur le tournage d’Inglourious Basterds, c’est lui qui a justement étranglé Diane Kruger. Ce sont ses mains qu’on voit dans le film.
Le jour où Tarantino a (vraiment) étranglé Diane Kruger sur le tournage d’Inglourious Basterds
Quentin Tarantino aurait-il pris l’habitude de violenter ses actrices lors de ses tournages ? Uma Thurman se contente de raconter sa propre expérience, et l’on sent bien qu’elle acceptait beaucoup de choses "au nom de l’art" avant de perdre totalement confiance en lui suite à un accident de voiture. Elle ne voulait pas conduire pour de vrai lors d’une séquence de Kill Bill 2, jugeant qu’elle ne savait pas bien diriger l’engin, et le réalisateur refusait qu’elle soit doublée par une cascadeuse. Il a insisté pour que ce soit elle au volant, même si on la voyait seulement de dos sur le plan. Elle devait rouler à 64 kilomètres à l’heure pour que ses cheveux volent dans le vent "correctement". "Mais c’était un engin mortel, que je devais manier sur une route sableuse et en lacets", regrette Uma Thurman, qui a perdu le contrôle, et précise qu’elle a aujourd’hui encore des problèmes de genoux et aux cervicales à cause de cela. "Sur la vidéo, on la voit sourire après coup, car elle est soulagée de voir qu’elle peut tenir debout", note l’article avant de montrer la séquence choc.
"En sortant de l’hôpital, on a eu une dispute énorme, je lui ai dit qu’il avait essayé de me tuer. Il était hors de lui, et je comprends sa colère, car il ne supportait pas cette accusation." Ethan Hawke, qui était marié à Uma Thurman à l’époque, a alors défendu sa femme contre le réalisateur. "Je lui ai parlé sérieusement, je lui ai dit qu’il l’avait laissée tomber, en tant que metteur en scène et en tant qu’ami. J’ai ajouté : ‘Mais mec, tu sais bien que c’est une bonne actrice, pas une cascadeuse.’ A ce moment-là, il était chamboulé et il m’a demandé pardon." L’actrice a cependant dû batailler pour récupérer les images de l’accident, qu’elle voulait montrer aux médecins pour être soignée en conséquence, mais qui ont conservées par Miramax. "On s’est battus pendant des années à ce sujet. Lors de la promotion du film, nos relations étaient glacées. On s’est hurlé dessus en 2004 à Now York à cause de ces images auxquelles ils ne me laissaient pas l’accès. Quentin a fini par me donner les rushs. 15 ans après. Mais maintenant ça n’a plus d’importance : mon cou est abimé de façon permanente et mes genoux sont carrément foutus. Quand ils m’ont lâchée après cet accident, j’ai ressenti que j’étais passée du statut de ‘contributrice créative’ à ‘un outil cassé’."
L’article précise aussi que l’accident survenu sur le plateau a peut-être inspiré au réalisateur une séquence choc de Boulevard de la mort, où le tueur de femmes incarné par Kurt Russell blesse mortellement Rose McGowan au sein de son dangereux véhicule.
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"Harvey m’a agressée, mais ça ne m’a pas tué, conclut-elle. Le pire à propos du crash, c’est que ce n’était même pas pour un plan important. J’avais fait des choses bien plus dangereuses sur ce tournage. Parce que j’avais confiance en Quentin, qu’on avait une vraie connexion, qu’on travaillait ensemble pour créer le meilleur film possible. Mais après ça, on s’est battus comme des chiffonniers, un vrai bain de boue. Alors qu’avant, j’avais mon mot à dire, vous savez ? Mon avis comptait... J’ai mis 47 ans à arrêter de me dire que les gens qui vous font du mal sont amoureux de vous. Ça m’a pris un temps fou, car je crois que les petites filles sont conditionnées à penser que la cruauté et l’amour sont liés. Il faut qu’on sorte de ce schéma de pensée."
Après Kill Bill (qui est sorti en deux parties, mais à partir du même tournage), Uma Thurman n’a plus retravaillé avec Quentin Tarantino. Le réalisateur est souvent interrogé à propos d’un potentiel Kill Bill 3, mais au vu de ces révélations, on suppose que cette suite ne verra jamais le jour. Il prépare actuellement son neuvième film, une histoire se déroulant à Hollywood en 1969 et ayant pour toile de fond les meurtres de la "Manson Family", notamment celui de l’actrice Sharon Tate.
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