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Dans ses meilleures performances en tant qu’acteur (À trois on y va, Gaspard va au mariage, Simon et Théodore), Félix Moati a souvent tendance à bomber le torse et froncer le sourcil, comme pour mieux mettre en avant son intensité, sa maturité et contrebalancer ainsi sa dégaine de glandeur sympa. Son premier long métrage de réalisateur cherche lui aussi d’emblée à donner au spectateur des gages de sérieux. Dès le premier plan, dans un clair-obscur superbement ouvragé (signé Yves Angelo), sur une belle partition jazz du groupe Limousine, on voit un fils (l’ado Mathieu Capella) conduire son père (Benoît Poelvoorde) au tombeau -en réalité, choisir un cercueil pour l’enterrement de son oncle. Deux Fils raconte une double coming of age story : celle de deux frangins en pleine crise (mystique, amoureuse, existentielle), qui observent leur paternel, un médecin bien sous tous rapports, tout plaquer du jour au lendemain pour mener la vie de bohème. Lui retombe en enfance, abandonnant ses responsabilités, tandis qu’eux doivent apprendre à devenir des hommes. La trame est très classique, mais embellie par le sentiment mélancolique infusé par Moati, un blues urbain vibrant qui convoque les spectres de Truffaut, de Cassavetes et d’Allen des 80s. Méticuleusement écrit, construit sur un réseau très précis de rimes thématiques et visuelles (ces couloirs d’appartements haussmanniens aussi étouffants que le cercueil de la première scène), Deux Fils émeut mais souffrirait presque d’être trop grave, trop « pensé ». La légèreté, ce sera pour la prochaine fois.