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D’une beauté formelle magique, tout en lumières d’eau claire et en cadres dans le cadre, ce film gigogne est une oeuvre d’exception sur la vérité et le mensonge, la réalité et le rêve, le passé et le présent. Privée de plus d’une heure et demie, cette version cinéma génère des interrogations : parmi les multiples personnalités du prêtre, l’une ne sera jamais expliquée ; un jeune homme dont on ignore tout se suicide sans qu’on comprenne pourquoi... Cela laisse à penser que l’intégralité des six heures du film destinées au petit écran (Arte), auraient mérité de sortir sur le grand.
Toutes les critiques de Mystères de Lisbonne
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Quand un long métrage dure près de quatre heures et demie, le qualificatif de film-fleuve coule de source. Mais le terme paraît bien faible pour Mystères de Lisbonne, voyage au long cours où, à chaque escale, le cinéaste chilien revisite en majesté un genre cinématographique : le film d'aventures et le film de guerre, le mélodrame et le burlesque, le marivaudage et la tragédie, le polar et le roman d'apprentissage, mais aussi (mais surtout) le fantastique.
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On peut parler de chef-d’œuvre, mais ce serait négliger la dimension si alerte d’un film où l’esprit parieur métamorphose chaque scène en coup de dé.
Pourtant, la toute fin du film atteint quelque chose de sublime lorsque l’art accepte de déposer les armes tournoyantes de la fiction. Lors de cette trêve où l’éternité a enfin son mot à dire, l’araignée ruizienne rappelle à elle tous les fils luminescents de sa fresque pour composer une laterna magica où Bergman (Fanny et Alexandre), Truffaut (Les Deux Anglaises et le Continent) et Welles (La Splendeur des Amberson) resurgissent.
D’un coup, et ce coup vous terrasse, Mystères de Lisbonne ne déploie plus seulement un art du récit, mais propulse un sujet dont la simplicité dépouille le baroque de ses détours : la destinée des orphelins.
Dans le film, les chagrins sont toujours moins justes qu’on ne le croyait (les victimes le sont surtout d’elles-mêmes), et en même temps toujours plus profonds qu’on ne s’y attendait.
Quoi d’autre que l’art finalement – qui serait défi et consolation lancés aux chagrins jamais résolus de l’enfance. -
Usant avec sagacité de l'héritage des grands maîtres de la peinture et du cinéma, le cinéaste y insuffle sa propre expérience, son originalité et son humour à contre-pied. Chaque plan, chaque mouvement de caméra contient sa propre histoire, chaque scène, ses trouvailles. Les acteurs apportent les couleurs de leur talent à la palette du maestro, contribuant ainsi à l'avènement de ce qu'il faut bien appeler un chef d'oeuvre.
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Le film privilégie les plans très larges, où les personnages déambulent, énigmatiques et lointains, porteurs de mystères auxquels il nous faudra un moment pour accéder. De fait, c'est avec la deuxième partie que les choses prennent vraiment leur envol. Que le récit prenne une forme beaucoup plus éclatée, avec des va-et-vient géographiques et temporels, en est la manifestation la plus évidente, mais une fois encore, on sent bien, comparé aux sommets passés du cinéaste (Trois vies et une seule mort, Généalogie d'un crime…) que le centre d'intérêt s'est déplacé. Ruiz ne cherche plus à nous perdre, au contraire il prend soin de préciser, au fur et à mesure, les époques et liens de parenté : s'il est toujours aussi joueur, le fantasque apparaît aujourd'hui plus diffus et ne se manifeste plus que par de légères inflexions dans le cours du récit. Ses innovations narratives, assez proches de celles d'un Robbe-Grillet, sont aujourd'hui mieux dosées, parfaitement intériorisés, et en s'estompant, ce soucis de la modernité (qui n'a jamais été qu'une modernité, donc datée) offre paradoxalement à ce cinéma une présence et une force nouvelles.
Cette deuxième partie, donc, est assez incroyable. Si le feuilletonesque continue de prévaloir, un lyrisme plus prononcé y apparaît, tandis que le fantastique affleure. Le film alors semble beaucoup plus libre vis-à-vis de son matériau de départ, donnant l'impression de piocher un peu partout (chez Branco évidemment, mais aussi Balzac, Sue, et même Poe), s'éloignant de l'adaptation un peu « carrée » qu'il laissait entrevoir pour s'engager dans une promenade beaucoup plus gracieuse et fantaisiste à travers cette littérature du XIXe dont il restitue merveilleusement l'esprit. Le film plusieurs fois pourrait tomber dans l'exercice de style délicat et raffiné, mais il a pour lui des personnages passionnants dont il faut dire un mot. Hier, Ruiz se serait empressé de les placer dans les situations scénaristiques les plus improbables - et d'ailleurs il lui reste, de ce côté, largement assez de cabinets secrets et de changements d'identité pour s'amuser. Mais il a aussi appris à les observer plus calmement, avec une attention et peut-être une empathie nouvelles (par exemple à l'égard du personnage de Clotilde Hesme). A ce titre, la fin de vie de Pedro, retracée dans les dernières minutes du film, est sans doute, à ce jour, ce que le cinéaste a réalisé de plus émouvant, et rappelle le finale sublime de Ne touchez pas la hâche. Le cinéma de Ruiz a gagné en simplicité, sans rien perdre de sa superbe : Les Mystères de Lisbonne est, à l'évidence, l'un de ses plus beaux films. -
Adapté d’un roman du Portugais Camilo Castelo Branco, conçu comme un roman feuilleton à la manière d’Eugène Sue, le dernier film de Ruiz nous entraîne à la suite des personnages dans une série de récits dans le récit qui nous mènent de Lisbonne au Brésil puis en France, nous balade de la fin du xviiie siècle jusqu’au début du xixe, et balaie, mine de rien, des pans entiers d’histoire. Nobles déchus, nouveaux riches et héros aux multiples facettes peuplent cette folle épopée de 4 heures 30, initialement réalisée pour la télévision sous la forme de six épisodes (à découvrir en novembre sur Arte). Drôle et émouvant à la fois, toujours sur le fil du rêve et de la réalité, « Mystères de Lisbonne » est d’une beauté éblouissante. Un film d’exception.
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Chaque scène est un plan-séquence envoûtant. Ajoutez des comédiens lusitaniens excellents et quelques avenantes actrices françaises (Clotilde Hesme, Léa Seydoux), vous obtenez un film long, lent et jamais ennuyeux.
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Mystères de Lisbonne, le nouveau film de Raoul Ruiz, dure 4 h 26. De quoi dissuader les cinéphiles les mieux trempés. La bonne nouvelle est qu'on ne sent pas passer le temps dans cette fresque digne des romans-feuilletons les plus délectables.
Les tribulations d'un bambin à la généalogie compliquée dominent un récit foisonnant et totalement jouissif mené de main de maître par le cinéaste chilien. Lisbonne, bien sûr, mais aussi le Paris et la Venise du XIXe siècle servent tour à tour d'écrin à ces histoires joyeusement rocambolesques entremêlant les intrigues en un jeu savoureux. Le réalisateur du Temps retrouvé invite le spectateur dans un bal de passions et de surprises. Raoul Ruiz offre un divertissement majuscule avec cette œuvre raffinée qui se déguste sans modération. -
Le réalisateur d’origine chilienne nous transporte à Lisbonne au XIXe siècle, où l’on croise notamment un orphelin, une fille-mère mal mariée, un aventurier et un drôle de prêtre qui sait tout sur tout le monde… Autant de destins entremêlés avec un art du récit qui laisse admiratif. La beauté de la mise en scène, son ampleur, mais aussi son humour et son étrangeté captivent les amateurs de romanesque jusqu’au dénouement, bouleversant. Bravo!
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Raoul Ruiz a inventé une forme qui convient parfaitement au feuilleton tant les plans - qui s'enchâssent, se déboîtent et s'accrochent à un détail - font rebondir l'histoire dans une direction imprévue. Ici, le fil conducteur est celui de l'enfant bâtard à la recherche de ses origines. Nobles déchus, mère Courage et contrariée, aventuriers multipliés, curé détenteur de la vérité : autant de personnages qui montrent que Raoul Ruiz s'amuse avec le mélodrame, qu'il fait rimer avec drôlerie et pastiche.