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Avec La tête de maman et Du vent dans mes mollets, Carine Tardieu a imposé un ton tragicomique particulier en s’emparant de sujets minimalistes dont la profondeur se dessine par petites touches sensibles grâce à son art consommé du portrait. Sempé n’est jamais très loin, dans cette façon de raconter le monde simplement, sans pathos, avec une bonne dose d’humour. Coscénariste de La tête de maman et d’Ôtez-moi d’un doute, Michel Leclerc (Le nom des gens) est aussi pour beaucoup dans la « méthode Tardieu », qui consiste à faire jouer à des acteurs confirmés des personnages qui ont les pieds sur terre et la tête dans les nuages, entre sens des responsabilités affirmé et hébétude poétique, que le moindre grain de sable fait vaciller.
Paternité contrariée
Ici, le grain de sable est épais : à quarante ans passés, Erwan apprend que son père n’est pas son père génétique. Pour ce démineur breton, la nouvelle est dure à encaisser d’autant que sa fille est dans le même temps enceinte de « père inconnu ». Si Tardieu file de façon un peu trop voyante la métaphore sur la paternité contrariée, elle s’attache avant tout à développer sa galerie de personnages, l’humanité chevillée à la caméra et la pudeur inscrite dans les dialogues, jamais graveleux ni pontifiants. Elle est servie par une pléiade d’acteurs au diapason de son univers délicat. On pense à François Damiens mais aussi à Alice de Lencquesaing, qui confirme de film en film sa nature joliment romantique.