- Fluctuat
Pathfinder, encore un indéfendable qu'on voudrait sauver. Parce qu'il y a des films qui se plantent en beauté, on veut justement dire ce qu'il en reste malgré la maladie. Une picturalité, une lumière, un climat sauvage et primitif à l'origine du projet de Marcus Nispel qui aurait dû écouter Bresson, ne jamais faire confiance au spectateur.
- Exprimez-vous sur le forum PathfinderPetite sortie technique pour Pathfinder. Promo quasi inexistante, peu de copies, la Fox mise à peine le minimum. On les comprend. Après le remake de Massacre à la tronçonneuse (autrefois défendu ici, c'était pas évident), le nouveau Marcus Nispel a tout du film sacrifié. Au départ l'auteur voulait s'inspirer de Pathfinder, un comics publié par Dark Horse, tout en réalisant un remake d'un autre Pathfinder (chez nous Le Passeur), un obscur film norvégien de 1987 qui raconte dans un style très différent une histoire similaire à quelques nuances près (on passe de la Scandinavie à l'Amérique). Nispel avait donc d'abord dans l'idée de tourner un film limite abstrait, quasiment sans dialogue, sur un récit épuré au maximum qui en résumé raconte l'histoire d'un enfant viking abandonné et adopté par les Indiens d'Amérique (façon Le dernier des Mohicans). Tout ça se passant au début de l'an mille, l'Amérique est un vaste continent sauvage où les Indiens vivent en paix jusqu'à l'attaque des Vikings, du genre barbares sanguinaires. Mais devant l'avancée désastreuse du projet, abandonné pendant un temps, puis les projections tests calamiteuses, Nispel a du revoir sa copie. En vain, le film se ramasse au box office US.Du projet initial il faut reconnaître qu'il reste quelque chose d'assez fascinant. À mi-chemin entre le Conan de Milius pour l'aspect Heroic Fantasy et brut, Le Treizième guerrier de McTiernan pour l'ambition esthétique et le rafistolage, Le Nouveau monde de Malick pour le climat et l'espace primitif, puis finalement 300 de Snyder pour le résultat final (ou presque), Pathfinder a conservé une certaine ambition souvent visible au détour de pas mal de plans. Malgré un scénario linéaire, une narration avec peu d'enjeux et un récit sans conséquence ni profondeur, Nispel donne à son film une vraie vision. Très pictural ou graphique, chaque plan arrive à imposer une beauté assez singulière au-delà du décoratif. Aidé par Daniel Pearl à la photo, Nispel crée une ambiance forte, tout en chromo délavé ou saturé et en lumière contrastée. Il impose la prédominance de la nature en jouant sur les effets climatiques (brumes, froid, humidité), donnant ainsi à l'environnement le rôle principal du film. L'ensemble rappelant certains peintres de la Hudson River School (Albert Bierstadt, Thomas Cole...) pour l'Amérique à l'état sauvage, auquel s'ajoute une esthétique comics (Frank Frazetta, surtout) pour le côté fantasy.Même déboussolé (montage souvent bordélique, séquences gore rajoutées, effets numériques hideux et contraires au projet initial, acteurs largués, personnages qui réagissent seulement à l'action malgré une tentative d'approfondir la nature du héros), Pathfinder surpasse ses faiblesses si on veut bien lui laisser sa chance. La barbarie des combats, où le métal tranchant et imposant des Vikings s'oppose aux ridicules bouts de bois des Indiens, crée une véritable rencontre des matières et des civilisations. A la lourdeur solide des épées et des armures démesurées répond un quasi dénuement guerrier, une certaine innocence. De cette rencontre, entre des Indiens presque purs, victimes éternelles, et des monstres venus d'Europe pour faire couler le sang, le film arrive par moment à retrouver son aspect primitif. Une forme épurée (dans le gras) ne cherchant peut-être que le style pour compenser son vide narratif, mais une forme qui trouve sa logique dans sa volonté d'aller vers un film brut, violent et radical. Une pure vision où l'omniprésence des paysages justifie l'absence d'intrigue, pour ne conserver que du tactile, rien de réflexif, seulement un rapport à une nature encore aussi sauvage que l'homme. Pathfinder
Un film de Marcus Nispel
Avec Karl Urban, Russel Means et Moon Bloodgood
Sortie en salles le 1er août 2007[Illustrations : © Twentieth Century Fox France]
Lire la critique de Massacre à la tronçonneuse
Pathfinder, Le Sang Du Guerrier