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Rien de bien neuf, donc, si ce n’est les marques d’une fatigue croissante : désintérêt de Woody pour les personnages qu’il invente, indifférence dans ses choix de mise en scène. Mais si cette dernière oeuvre n’a ni l’acuité d’un Match Point ni la fraîcheur d’un Vicky Cristina Barcelona, reconnaissons que le vieux maître a encore assez de flair comique et de répliques crépitantes dans sa manche pour nous faire valser une fois de plus sur son manège amoureux. Côté acteurs, Naomi Watts convainc plus dans la romance que dans la comédie, Anthony Hopkins est toujours bloqué sur pilote automatique, tandis que Banderas et Freida Pinto relèvent de la décoration d’intérieur exotique. Mais la virilité débraillée de Josh Brolin fait merveille, surtout lorsqu’elle se heurte à l’excentricité évaporée de l’hilarante Gemma Jones. C’est dans leurs improbables confrontations que le film prend vie, développant avec un sens consommé de l’ironie son thème central : la certitude que la seule façon de faire face à la réalité est de se bercer d’illusions. Dommage alors qu’il s’achève sur une note d’optimisme forcé, auquel Woody lui-même semble avoir cessé de croire il y a bien longtemps.
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Quand Woody Allen fait du sous Woody Allen, ça donne Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. Un film choral où le casting est censé faire oublier un scénario abscons et des personnages sans relief. Anthony Hopkins tire un peu son épingle du jeu en jouant ce cinquantenaire plaquant tout pour se mettre en ménage avec une prostituée. Mais le spectateur se retrouve vite dans la peau d'Hopkins qui, dans une scène accablante, attend que le viagra fasse effet. Le spectateur, lui, pourra toujours attendre. Vous allez rencontrer... est un Woody totalement raté à ranger à côté de ses autres échecs (Le Rêve de Cassandre ou Scoop). Pas de quoi s'inquiéter il a déjà fini son prochain film...
Toutes les critiques de Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Le plus : Le bonheur est total quand on retrouve la fantaisie de Woody Allen, ses dialogues ciselés et ses personnages si attachants. On tombe sous le charme d’une comédie légère comme une bulle de champagne et tout aussi enivrante. Les comédiens se délectent à composer des personnages merveilleusement écrits. Allen est vraiment le maître d’un cinéma où une réflexion fort sérieuse sur la vie, la mort et l’amour n’empêche pas de passer un moment de grand plaisir.
Le moins : On peut trouver que le réalisateur tourne en rond et que son intrigue est trop artificielle, mais il s’agit d’un conte que Woody Allen présente comme tel. -
Avec l’âge, le cinéaste se montre plus cruel envers ses personnages sans se départir de son élégance d’écriture. Jubilatoire !
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Ici, tout apparaît dans la simplicité quotidienne des jours. En cela, Allen est un matérialiste, qui ne voit dans la matière aucune transcendance, aucun mystère. Les personnages, eux, s'efforcent de la charger d'affects et de significations. C'est par exemple Charmaine à qui Alfie offre un appartement et qui déclare ébahie « c'est tout à fait moi », avant de se plaindre, plus tard, que tout ici, dans ces pièces réfrigérées et high-tech, résonne. Ou encore Sally qui essaie des boucles d'oreille pour son patron et demande en riant (mais pas tant que ça) si elle doit vraiment les enlever. Chacun réclame des preuves de réel pour échapper au néant (Alfie qui, à la fin, attendra fébrilement les résultats des tests ADN) mais ce réel n'a rien d'autre à leur donner que lui-même et leur renvoie l'image de ce que sont vraiment les êtres humains : eux aussi de la matière, et rien d'autre, qui se dispersera après leur mort. Il faut voir ce moment où Roy emménage chez Dia et regarde, dans l'immeuble d'en face, sa femme se déshabiller, dans une parfaite répétition d'une scène qui a eu lieu plus tôt avec Dia. Ailleurs l'herbe est plus verte, mais une fois passé de l'autre côté, on ne trouve que du même. La réitération de cette image, qui annule l'illusion sur laquelle la première était fondée, est tellement violente que le personnage ne trouve d'ailleurs rien d'autre à faire que de baisser le store. Et ainsi retourner ses enchantements. Le principe de réalité, la matière, font retour de façon cinglante. C'est tout le sens du finale où les illusions tombent comme des châteaux de cartes et laissent les personnages abasourdis, impuissants. Même si, ultime pied de nez, Allen montre que l'illusion, si elle est totale, pure, indémontable car ne concernant plus vraiment le réel, peut être la voie au bonheur.
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Fort de ses belles escapades Match Point, Scoop et Le Rêve de Cassandre, Woody Allen revient à son pied-à-terre britannique, ainsi qu'à ses moutons thématiques, fonctionnant par binômes : illusion et raison, hasard et coïncidences, crimes et châtiments. Enveloppés dans d'onctueux travellings, s'achevant en gros plan cruels sur leurs visages mis à jour, les personnages hésitent entre deux amants, deux conceptions de la vie, croyant la maîtriser alors qu'évidemment, il n'en est rien : comme dit le poète, Shakespeare en l'occurrence, cité en préambule par une voix off goguenarde, la vie "est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien."
Cet arbitraire absurde, certains personnages l'embrassent avec pragmatisme, comme Roy (Josh Brolin), écrivain raté qui joue son destin sur une imposture, tandis que d'autres choisissent de l'embellir par l'illusion. C'est le cas d'Alfie (Anthony Hopkins), qui par peur de sa mortalité prochaine quitte soudainement sa femme pour une vie de jeune célibataire en compagnie d'une pétulante blonde qui pourrait être sa fille (Lucy Punch, hilarante). D'abord tentée par le suicide, sa femme (Gemma Jones) s'en remet de son côté à l'alcool et à la voyance. Se mentir pour mieux vivre, rêver pour exister : outre une définition possible du cinéma, c'est l'une des idées forces de la filmographie de Woody Allen, recyclée dans ce fringant mais jamais ronronnant Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. -
Non seulement cet immense petit bonhomme écrit et filme comme il respire, mais il est capable de se renouveler totalement et de nous servir de Woody Allen en cuvée traditionnelle. Comme cette comédie mosaïque, un beau mille-feuille de vies, à la fois sucré et amer, où chacun peut trouver sa place entre deux couches de rire. Virtuose en situations loufoques, expert en dialogues cultes, directeur d'acteurs hors pair, Woody porte un regard lucide, acide mais bienveillant sur nos travers, nos mirages, et aussi sur notre pathétique combat perdu d'avance contre la vieillesse et la mort.
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De retour à Londres après le new-yorkais « Whatever Works », Woody Allen cite Shakespeare et dépeint la vie comme un conte « plein de bruit et de fureur », désespérément dépourvu de signification. A défaut d’étonner, il réussit un divertissement pessimiste et souvent hilarant. Le talent des acteurs fait le reste.
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Cette comédie sur l'insatisfaction joue plus sur les situations que sur les répliques. Les clins d'œil y sont de mise. A Hitchcock, lorsque l'écrivain prostré par son impuissance à écrire lorgne la fille d'en face... et, ayant déménagé chez elle, se met à fantasmer en voyant par la fenêtre son ex-femme se déshabiller. A Ophuls, via une projection sentimentale sur une paire de boucles d'oreilles. Le film se termine en queue de poisson. On en aurait volontiers repris une rasade.
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Woody Allen nous a fait rire. Et pendant le Festival de Cannes, un petit shoot d’humour est toujours bienvenu. D’abord avec sa nouvelle comédie sentimentale, You Will Meet a Tall Dark Stranger, vaudeville délicieusement abracadabrantesque et fantasque. La forme n’est pas franchement originale (on retrouve une voix off qui raconte l’histoire) et on regrette quelques chutes de rythme dans la narration… Mais Woody Allen sait dégainer des répliques hilarantes et nous offre une brochette de personnages aussi névrosés que perturbés.
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Woody Allen décline une nouvelle fois ses thèmes fétiches. Et la fluidité de l'écriture et de la mise en scène offrent comme toujours un magnifique terrain de jeu à ses acteurs, tous excellents.
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Certes, cette variation légère sur les obsessions du maître n'est pas déplaisante, mais elle s'oublie vite. Au milieu du casting quatre étoiles qui fait honnêtement son boulot, on notera quand même la révélation Lucy Punch, une jeune comédienne américaine qui fait pétiller la pellicule.
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(...) Allen nous aura retissé à l’envi son thème de prédilection, celui du hasard et de la chance. Mais cette obsession l’amène à écrire une de ses plus belles scènes, d’une admirable cruauté : Naomi Watts, découvrant que l’homme dont elle est secrètement amoureuse (Antonio Banderas, son patron) a une liaison sérieuse avec une de ses amies, tente alors un acte désespéré : tout lui dire, se proposer à lui.
Mais il est déjà trop tard, la chance est passée et ne reviendra pas, et ces aveux maladroits et incompréhensibles tournent à la séance d’auto-humiliation…
Théâtral dans la forme (on sent que Woody Allen s’intéresse de moins en moins aux extérieurs – comme si l’âge venait de se retirer définitivement chez soi pour y fantasmer son petit théâtre de chambre), ce petit film d’aspect ingrat a, grâce à ces petits et subtils coups de taille qui le distinguent du tout-venant, tout d’un joli joyau. -
Woody Allen signe une comédie, portée par ses obsessions habituelles et dotée d’un casting en or (Naomi Watts, Josh Brolin, Antonio Banderas), sur l’absurdité de l’existence. Si elle ne manque pas de subtilité, elle ne surprend jamais.
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Rien de drôle dans ces histoires croisées comme les aime le réalisateur américain, filmant Londres et ses bobos aussi bien que ceux de Manhattan. Pas de mots d’auteur, pas de dialogues ébouriffants mais une comédie douce-amère sur la vieillesse, la mort, les faux pas et les désillusions. Si on rit, c’est plutôt jaune car ce panel d’humains est plus pathétique que touchant, et si souvent berné ou déçu : le bel étranger prédit à Helena est un vieux bébé blond et joufflu, toujours épris de sa défunte épouse ; Artie, dopé au viagra, se fait bouffer tout cru par sa bimbo ; Roy commet une mauvaise action et Sally fantasme en vain. Vivre avec des illusions est réconfortant, nécessaire mais parfois dangereux… C’est ce que nous dit Woody Allen et ce conte moral, d’une cruauté et d’un cynisme inhabituels envers le genre humain et ses petits arrangements.
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Cru moyen, cela dit, impression de redite pas désagréable, pas essentielle non plus. Un peu paresseux ? Mais, évidemment, la qualité des dialogues, la cocasserie de certaines situations, le talent des comédiens (Hopkins finissant par jouer comme Allen) et l'ironie générale sont de bonne facture... Attention, ce n'est pas Vicky Christina Barcelona, ni même Whatever works. Un cran en-dessous.
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L'écrivain raté, lui, décide de voler le manuscrit d'un ami qui vient de se planter en voiture. Idée de scénario plus vieille que Woody Allen. Et celui-ci, au bout d'une heure et demie, d'expédier toutes ces affaires en cours sans plus d'interrogation que de conclusion, citant la morale shakespearienne de Macbeth : "C'est un conte raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien." Allen n'est pas un idiot. Mais il n'est pas les frères Coen, non plus - qui adorent ce genre de pirouette finale, mais après avoir brillamment creusé leur comédie. Allen est juste creux.